Vernon Politique

En 2012, quatre immeubles sortiront de terre au centre-ville de Vernon

EdNonrev

e conseil municipal du 16 décembre dernier fut l’occasion pour l’opposition municipale de découvrir, puis de protester, contre un projet de 34 logements collectifs porté par le groupe Bouygues au centre-ville, au carrefour des avenues Mendès-France et Gambetta.

 

Plus largement, Jean-Luc Miraux (Vernon Réussite) et Bernard Touchagues (parti de la France) se sont insurgés respectivement contre le “manque de transparence” de la mairie, et la vision “primaire” de l’urbanisme qu’aurait la majorité municipale. Du côté de la majorité, Jean-Claude Mary et Jérôme Bultel, membres du groupe Vernon-défis, se sont abstenus lors du vote, sans donner d’explications.

 

Ce débat au conseil municipal représente une bonne occasion de faire le tour des projets d’immeubles censés être lancés en 2012 au centre-ville de Vernon. Pour le moment, ils sont au nombre de quatre : un projet de logements sociaux au Grévarin, un projet de promoteur régional avenue Montgomery, le projet du groupe Bouygues, ainsi qu’un projet de plus petite envergure et porté par un promoteur vernonnais rue d’Albuféra, sans oublier la réhabilitation de la Maison de la Tour. Revue de détails.

L’îlot du Grévarin : 65 logements

 

Futur emplacement de l’immeuble HLM, au croisement des rues de Gamilly et du Grévarin, décembre 2011.

 

Le plus gros projet devant être lancé au centre-ville en 2012 est porté par le Logement familial de l’Eure, bailleur social, à qui la mairie avait vendu le terrain pour environ 500 000 euros. Trente-cinq logements seront mis en location, tandis que les trente autres seront en accession à la propriété. Le futur immeuble devrait mesurer seize mètres de hauteur avec quatre étages, là où se situaient auparavant les garages municipaux ainsi qu’une maison inoccupée. Il comportera, selon la mairie, des garages souterrains en quantité supérieure au nombre de logements (contrairement à ce que disaient les rumeurs qui circulaient à l’annonce du projet).

 

Ce futur immeuble est assez représentatif des nouvelles orientations de construction des bailleurs sociaux. Presque la moitié des logements est ainsi en accession à la propriété, en plein centre-ville. La seule question qui se pose pour les habitants du voisinage portera sur la qualité architecturale et donc visuelle du futur bâtiment. Un futur bâtiment qui pourrait bien apparaître massif, celui-ci occupant l’ensemble de la surface au sol de l’îlot du Grévarin. Le permis de construire pour ce projet a été déposé le 27 décembre dernier, on devrait donc en savoir plus d’ici quelques mois, pour des travaux qui devraient débuter au second semestre 2012.

 

Les riverains du projet exprimaient une crainte relative à la mixité sociale, dans le Démocrate du 11 mai dernier :

[Nous sommes déjà] dans un environnement de mixité sociale avec à proximité un immeuble de la Siloge et la grande barre HLM du Grévarin. On craint cette densification de logements sociaux à Vernon. On pense que cela doit rester dans des proportions raisonnables.

 

Plusieurs éléments semblent cependant atténuer cette crainte (qu’elle soit ou non légitime par ailleurs) :

  • La moitié de l’immeuble sera en accession à la propriété. Ce mode de logement social est en général considéré comme réduisant les dégradations possibles en créant un sentiment d’appartenance de la part des habitants.
  • La police municipale sera installée dès l’été 2012 dans l’annexe du gymnase du Grévarin, donc en plein coeur du quartier.

 

 

 


 

Le projet des Chartreux : 26 logements

 

Place Saint-Louis : au fond, derrière le mur d’enceinte, emplacement du futur immeuble résidentiel, décembre 2011.

 

Ce projet privé, porté par un promoteur des Yvelines, MB immobilier, est connu des habitants du quartier Montgomery depuis plusieurs mois, et a fait cette semaine la Une de Paris Normandie. Le futur immeuble devrait comporter trois étages et mesurer douze mètres de hauteur, pour 26 logements vendus aux futurs propriétaires. La construction doit se faire en basse consommation d’énergie, et les travaux pourraient commencer dans les mois à venir si le recours administratif formé par un voisin n’annule pas le processus.

 

Là encore, nous avons à faire à un projet très typique de la période actuelle à Vernon, cette fois-ci de la part des promoteurs privés. Ainsi, l’ancienne propriété des Chartreux, composée d’un beau bâtiment XIXème et de son parc attenant, sera divisée en deux. La maison sera vendue à l’unité sans ses espaces verts, tandis que l’ancien parc sera presque totalement rasé pour y construire le futur immeuble et ses 28 garages (dont 14 en sous-sol).

 

Ce projet est loin de susciter l’unanimité parmi les riverains de la place Saint-Louis. Dès l’affichage du permis de construire (il y quelques mois), ceux-ci se sont organisés, par l’intermédiaire d’un site internet et d’une association ressuscitée pour l’occasion. Ils ont interpellé à cette occasion les élus locaux et les Vernonnais, comme le promoteur à l’origine du projet. Ce dernier, suite à des réunions avec les élus et les riverains, a choisi d’opérer de légères modification au projet, en particulier avec l’utilisation de pierre calcaire de Vernon au rez-de-chaussée, pour conserver l’apparence du mur d’enceinte qui ceinture aujourd’hui la propriété1.

 

Les riverains, loin d’être satisfaits, continuent de manifester leur colère, comme on a pu le lire dans le Paris Normandie de mercredi dernier. Un recours administratif a ainsi été déposé contre le projet par un voisin, recours actuellement en cours d’examen par le tribunal. Ce voisin représente en réalité l’ensemble des riverains, l’association n’ayant pu opérer ce recours pour des raisons légales2.

 

Le promoteur semble bien décidé à faire sortir de terre cet immeuble, dans un quartier peu dense et assez recherché. MB Immobilier a ainsi réagi cette semaine, dans l’article consacré au projet par Paris Normandie :

Nous avons respecté le plan local d’urbanisme […] Ce recours n’a techniquement pas lieu d’être. Il s’agit d’intérêts personnels au détriment de l’intérêt général. Nous nous sommes pliés aux exigences de la mairie et ne négocierons pas avec des tiers.

 

 

 


 

Le projet Gambetta – Mendès-France : 34 logements

 

Emplacement du futur immeuble, vu du croisement des avenues Gambetta et Mendès-France, décembre 2011.

 


Mise à jour, 21 mai 2012 :

Cette section, consacrée au projet Bouygues, est en partie fausse. Le permis de construire a en effet été validé, ce qui m’a permis de le consulter et de noter des changements par rapport à ce qu’on pouvait envisager. Ainsi, la maison sera entièrement détruite, et l’immeuble ira donc de la Rue Samson à la rue Gambetta.

Plus d’informations dans cet article du 21 mai 2012 : Au centre-ville de Vernon, Bouygues détruira arbres et maison avant de construire ses 34 logements


 

C’est ce projet qui a provoqué la polémique au conseil municipal, la délibération portant sur l’extension des réseaux d’électricité et d’eau vers le futur immeuble. Ce dernier doit comporter 34 logements, ce qui préfigure au moins trois étages, et est porté par le groupe français Bouygues. Le projet, pour être conforme au PLU, devra comprendre un nombre suffisant de garages, “probablement en sous-sol” selon Philippe Nguyen Thanh.

 

Comme pour la résidence des Chartreux, la propriété, située au carrefour des avenues Gambetta et Mendès-France et possédé par un dentiste avant d’être achetée par Bouygues, comporte une maison ancienne ainsi qu’un jardin arboré. Elle sera elle aussi divisée en deux, d’un côté la maison, et de l’autre l’ancien jardin devenu immeuble. Avec la création d’un rond-point par la mairie en 2012 ou 2013, la physionomie du carrefour en sera profondément modifiée.

 

Après l’annulation du premier permis de construire, non conforme au plan local d’urbanisme, Bouygues a redéposé un permis le 22 décembre3. Permis qui, selon l’adjoint à l’urbanisme Jean-Luc Lecomte, devrait être validé. On en saura donc plus sur le futur bâtiment dans quelques mois4 . Les travaux pourraient commencer au second semestre 2012, si aucun recours administratif n’est formé. Et encore plus qu’avec le projet des Chartreux, on voit mal le groupe Bouygues renoncer à une opération lucrative, dans un secteur prisé de l’hyper-centre de Vernon.

 

 

 


 

Le projet rue d’Albuféra : 6 logements

 

Le futur immeuble sera situé derrière l’immeuble hébergeant le pressing et un salon de coiffure. Seule partie visible de la rue d’Albuféra : un porche d’entrée qui sera créé juste à droite du pressing. Décembre 2011.

 

C’est le seul projet privé porté par un promoteur local, le groupe Joubeaux Immobilier5. Construit dans la partie haute de la rue d’Albuféra (numéros 102 et 104) , il sera invisible des Vernonnais, en dehors de la création d’un porche d’entrée rue d’Albuféra. Comportant six logements pour une hauteur de onze mètres et deux étages, le futur immeuble sera peut-être en basse consommation d’énergie selon le promoteur. Le permis de construire a été validé il y a peu, les travaux devraient donc commencer en mars si aucun recours n’est formé.

 

Bien que d’une taille largement inférieure aux précédents projets privés prévus pour sortir de terre en 2012, le schéma reste identique : le promoteur utilise une partie du jardin d’un bâtiment existant pour créer un immeuble. Cette fois-ci cependant, la hauteur du projet sera identique à celle des immeubles avoisinants, et la construction restera invisible des piétons. Seuls les voisins directs du projet seront concernés, la construction s’insérant au milieu des jardins et arrière-cours du pâté de maison.

 

 

 


 

Et la Maison de la Tour ?

 

La Maison de la Tour vue de la place Philippe Auguste, octobre 2011.

 

Le projet immobilier peut-être le plus polémique du mandat de Philippe Nguyen Thanh est la transformation de la Maison de la Tour6, place Philippe Auguste, en un immeuble HLM de six logements. Ce projet, présenté en décembre 2010 par la majorité municipale, a suscité la colère de Jean-Luc Miraux et de son groupe Vernon Réussite, qui auraient voulu en faire un équipement culturel et touristique.

 

À cela, la mairie avait alors répondu qu’elle n’avait pas les moyens d’engager les lourds travaux de réhabilitation nécessaires pour un bâtiment qui n’est pas classé aux Monuments historiques (pas de subventions donc). C’est pourquoi la majorité avait fait le choix de céder pour soixante-cinq ans le bâtiment à la Siloge, cette dernière prenant en charge la réhabilitation du bâtiment. Cela implique également la création de jardins privatifs, qui empièteront sur la place Philippe Auguste et l’actuel espace de jeux.

 

Depuis la décision municipale, il s’est écoulé plus d’un an, sans que les Vernonnais ne voient de travaux sur le site. La Siloge, qui qualifie la réhabilitation à venir de “belle opération” , répond à cette absence d’activité visible que des études ont été faites en 2011, études qui “prennent un peu de temps” . Les appels d’offres seront lancés par le bailleur social dans les semaines à venir, pour des travaux qui sont prévus pour commencer dès la fin du printemps. Ceux-ci devraient durer un an : c’est donc en 2013 que la Maison de la Tour deviendra un immeuble d’habitation, la Siloge se disant “déterminée à aller vite”.

 

Mise à jour, 16 avril 1012 : une des critiques de l’opposition portait sur la réduction de la taille de l’aire de jeux pour enfants, suite à la création de jardinets devant et derrière la maison de la Tour. Philippe Nguyen Thanh a affirmé récemment que l’aire de jeux ne serait pas réduite, mais simplement décalée de quelques mètres.

 

Mise à jour, 8 janvier 2013 : Selon Paris Normandie, les travaux seraient terminés pour la fin 2014. Pour Le Démocrate, par contre, ces travaux devraient se finir fin 2013, conformément aux annonces de la Siloge l’année dernière (Une information que journal a confirmé sur Twitter).

 

 

 


 

Voisins mécontents et immeubles imposants : la faute à qui ?

 

Le projet de la place Saint-Louis suscite une farouche opposition des habitants du quartier, celui de l’ilôt du Grévarin est considéré négativement, et le projet Bouygues entraînera probablement son lot de protestations. Le cœur de ces oppositions semble reposer sur le caractère massif de ces futurs immeubles, qui remplacent des espaces de faible hauteur (garages rue de Gamilly) ou arborés. Le stationnement et les problèmes de circulation sont également une source de préoccupations7.

 

Pour les logements sociaux de l’îlot du Grévarin, la mairie a fait le choix politique de privilégier la densité en permettant à l’immeuble d’avoir une emprise totale au sol, en reclassant le terrain dans une zone plus dense du plan local d’urbanisme. Cela favorise indéniablement le bailleur social par rapport à un promoteur privé.

 

En ce qui concerne les projets de promoteurs privés, à partir du moment où le permis de construire est conforme au plan local d’urbanisme, une municipalité n’a que peu de possibilités. Elle peut demander (et obtenir) des modifications légères, mais ne peut interdire à un promoteur privé qui a acheté un terrain de construire un bâtiment8.

 

Pour limiter de telles constructions en hauteur à l’avenir, il faudrait insérer de nouvelles règles contraignantes dans le plan local d’urbanisme, ou faire des dérogations à l’actuel PLU, comme pour l’îlot du Grévarin9. Sauf que : ce serait à rebours de tout ce qui est engagé depuis une décennie pour limiter l’étalement urbain (avec la création de lotissements sur des terres agricoles en bordure de ville) .

 

En effet, l’actuel plan local d’urbanisme, qui date de la mandature de Jean-Luc Miraux, vise déjà à l’augmentation de la densité dans le centre-ville de Vernon. Et la municipalité actuelle a bien l’intention de renforcer les règles permettant la densification, dans le PLU actuellement en cours d’élaboration par les services de l’urbanisme10. En cela, elle respecte les consignes données par le gouvernement lui-même, suite au Grenelle de l’environnement.

 

Cela reste difficilement acceptable pour les Vernonnais qui habitent à proximité, en particulier dans des quartiers encore largement composés de maisons individuelles. Il semble qu’ils devront s’y faire, pour peu que les promoteurs privés continuent de lancer des projets à Vernon.

 

Sur un plan plus directement lié à la politique vernonnaise, Jean-Luc Miraux a exprimé au cours du dernier conseil son désir de voir les futurs projets immobiliers d’envergure directement présentés lors des conseils municipaux. Selon lui, les élus n’ont actuellement “aucune information” sur ces projets, “ils les découvrent à la faveur du Démocrate” , ce qui est “un fonctionnement démocratique un peu étonnant” . Le maire lui a répondu qu’il était “impossible” de le faire car les conseils municipaux “sont déjà très longs” , tout en l’invitant à “prendre rendez-vous” avec lui pour avoir toute l’information nécessaire. Jean-Luc Lecomte a lui aussi répondu à Jean-Luc Miraux que “les permis de construire sont publics” et librement consultables aux services techniques de la ville, “ce que les citoyens ne se privent pas de faire”.

 

 

 


 

Mise à jour, 14 janvier 2012 : débat sur le PLU au conseil municipal

 

Le sujet a donné à nouveau lieu à un débat au conseil municipal du 13 janvier. Jean-Luc Miraux a rappelé qu’on l’accusait lorsqu’il était maire de “vendre la ville aux promoteurs”. Pourtant, a-t-il affirmé, aujourd’hui ce sont “des arbres qu’on abat, une maison de la tour profondément modifiée, au Grévarin un projet à l’architecture stalinienne” qui sont autorisés par la mairie.

 

Il a surtout contesté l’idée qu’une mairie ne peut rien faire lorsqu’un permis de construire est conforme au PLU. Il estime que la mairie aurait pu “davantage marquer de sa patte” les projets actuels. Il a appuyé son argument avec l’exemple des immeubles construits sur le site de la clinique Sainte-Marie : “Je leur avais dit de ne pas tout raser, les promoteurs n’étaient pas satisfaits, mais on a mené au bout ce combat”.

 

Ces remarques n’ont pas plu du tout à Philippe Nguyen Thanh, qui a parlé de “contrevérités invraisemblables”. S’il a admis que Jean-Luc Miraux avait raison en ce qui concerne “les menaces” qu’une mairie peut faire pour infléchir un projet de promoteur privé, il a estimé qu’il est “obligé de s’incliner” devant la réglementation des permis de construire. Il a ajouté à propos de l’actuelle action en justice d’un voisin du projet des Chartreux :

C’est le droit naturel et légitime des citoyens par rapport à la conformité d’un projet au PLU. Mais je ne pense pas qu’on puisse reprocher quoi que ce soit au promoteur.

 

Jean-Luc Lecomte, comme adjoint à l’urbanisme, a également tenu à répondre à Jean-Luc Miraux. Il a (encore) rappelé, à propos du projet des Chartreux, que l’actuel PLU est celui élaboré par Jean-Luc Miraux, ajoutant que “si un manque de rigueur architecturale passe au PLU, c’est de la faute” de l’ancien maire11. À propos des moyens de pression à disposition de la mairie, il a rappelé que le promoteur avait déjà modifié son projet suite à l’intervention de ses services tout en l’invitant à “reprendre la discussion avec les riverains”. Concernant la plainte en cours, il a signalé que “c’est souvent sur la forme [NdA : un mot mal orthographié ou une coquille] que les permis de construire sont attaqués, ce qui est le cas ici”.

 

Jean-Luc Lecomte a lourdement insisté sur la conformité par rapport au PLU de tous les permis de construire validés par ses services. Mais il a tout de même fini par admettre que la mairie pourrait opérer au “classement de quelques arbres majeurs” à Vernon. En effet, il est possible à une mairie de classer les arbres remarquables au patrimoine, ce qui empêche leur abattage. Pour être classé, il doit se distinguer des autres “par sa singularité, sa morphologie, son identité ou encore son rôle social” , selon la mairie de Paris, qui dispose de quelques 222 arbres protégés. Reste à voir si les arbres abattus pour les projets Bouygues et des Chartreux auraient pu remplir ces critères…