Vernon Politique

Législatives, quatre candidats débattent à Vernon

EdNonrev

Hier soir se tenait à Vernon un débat entre quatre des douze candidats aux élections législatives dans la cinquième circonscription de l’Eure (Vernon – Les Andelys – Gisors). Y participaient Claire O’Petit (Modem), François Levé (Debout la République), Carl Lang (Parti de la France) et Anne Mansouret (sans étiquette, ex-socialiste). Devant un public que l’on pouvait compter sur les doigts de la main, le débat fut assez cordial entre ces « petits » candidats à l’élection.

C’est Claire O’Petit et le Modem vernonnais qui ont organisé ce dialogue entre candidats. Dialogue modéré par deux animateurs des Grandes Gueules de RMC (et amis de la candidate), Pascal Perri et Étienne Liebig1. La candidate en aurait eu l’idée suite à l’invitation, ou plutôt la non-invitation, de France 3 Haute-Normandie, qui organise également un débat, réservé celui-là aux trois candidats jugés les plus importants par la chaîne : Franck Gilard, le député UMP sortant, Jérôme Bourlet, le candidat officiel d’EELV et du PS, ainsi que Jean-Michel Dubois, le candidat FN.

Sommaire :

  1. Quand les candidats se présentent
  2. Que feriez-vous pour moraliser la vie du pays ?
  3. Autant, plus ou moins de fonctionnaires ?
  4. Unanimité sur l’emploi, clé de voûte de la circonscription
  5. La cinquième circonscription, ses transports, sa désertification médicale

 

 

 


 

Quand les candidats se présentent

 

Les deux animateurs ont lancé le débat en proposant à chacun de se présenter, et de présenter ses raisons d’être candidat à ces élections législatives.

 

Pour François Levé, ancien élu UMP de Gisors et maintenant membre du parti de Nicolas Dupont-Aignan, seul selon lui à représenter les valeurs du gaullisme, la réponse est simple : « pas un seul » des candidats en lice ne le satisfaisait.

 

Pour Claire O’Petit, nouvelle dans la circonscription et encore élue Modem à Saint-Denis, « il ne faut pas que ce département rate les valeurs du centre », valeurs qu’elle oppose à une gauche qui serait divisée, voire haineuse, lorsqu’elle est majoritaire.

 

Anne Mansouret, socialiste ébroïcienne, conseillère générale et régionale, récemment exclue de son parti à cause de sa candidature dissidente, estime qu’il était pour le PS « absurde de penser que cette circonscription essentiellement rurale vote Vert ». Sa candidature aurait pour but d’éviter de « faire un cadeau inconséquent à Monsieur Gilard »2.

 

Carl Lang estime pour sa part que le Parti de la France, qu’il a fondé en 2009, est la seule organisation politique « clairement de droite nationale » dans ces législatives. Lors d’une précédente conférence de presse, il avait en effet fait part de son opinion sur le FN, parti qui pencherait à gauche sur nombre de sujets.

 

 

 


 

Que feriez-vous pour moraliser la vie du pays ?

 

Le début du débat a porté sur la moralisation de la vie publique3, ce qui donna lieu à des échanges quelques peu confus, avec des propositions nombreuses.

 

Carl Lang a proposé l’abolition du financement public des partis politiques, « système anti-démocratique qui permet aux élus de financer les campagnes électorales qui suivent ». Il y a ajouté le fait qu’en cette période de crise, cela ne pouvait être que mal perçu.

 

Aux objections vives des autres candidats, qui rappelèrent les très nombreuses affaires de financement privé occulte des partis avant que le financement public ne soit instauré, le candidat a répondu qu’il soutenait le maintien du reste de la législation, tant concernant les dons d’entreprises que les passations de marchés publics4.

 

Claire O’Petit a également apporté plusieurs propositions d’envergure sur ce sujet. Entre autres, l’interdiction de faire plus de deux mandats de député dans la même circonscription, « sinon on tombe dans une baronnie »5. Mais aussi l’obligation pour les députés de justifier de leurs frais, et de les faire valider chaque année par un commissaire aux comptes6. La candidate Modem s’en est pris très directement à Franck Gilard à ce moment-là : « Qu’a-t-il fait de l’argent qui lui fut versé depuis dix ans, soit 700 000 euros de frais, alors que cet individu colle des affiches « non à l’assistanat » dans toute la circonscription ? Il est en réalité le plus grand assisté de cette circonscription. »

 

Les deux autres candidats se sont montrés nettement plus circonspects sur le sujet et les proposition de Claire O’Petit et de Carl Lang. François Levé, qui dit préférer le terme d’exemplarité à celui de moralisation, estime que « le personnel politique français n’est en somme pas si mal ».

 

Pour Anne Mansouret, « il y a des excès nettement plus problématiques » chez les élus que la question des frais, de la réserve parlementaire et des « baronnies ». Selon elle, les réformes importantes dans ce domaine seraient plutôt un changement du statut de l’élu, afin que le secteur privé participe plus largement qu’aujourd’hui, où les fonctionnaires et les professions libérales constituent la quasi-totalité des élus à l’Assemblée Nationale.

 

Elle estime également que les compétences des députés devraient être clarifiées, afin qu’un député ne passe pas, pour assurer sa réelection, « la moitié de son temps à serrer les louches des électeurs », ou à faire « un boulot de conseiller général ». Toutefois, elle n’en tire pas la conséquence qui semble la plus directe : la suppression de la réserve parlementaire, qui permet au député de financer des projets locaux de manière discrétionnaire.

 

 

 


 

Autant, plus ou moins de fonctionnaires ?

 

Pour François Levé, « on a vécu sous le dogme du renouvellement d’un fonctionnaire d’Etat sur deux ». Si, pour le candidat, il est possible qu’il y ait trop de fonctionnaires en France, il lui semble pour autant évident qu’il n’y a « pas assez de fonctionnaires dans certains secteurs », en particulier dans les secteurs de la justice, de la santé, de l’éducation nationale et de la police. Le candidat argue de la possiblité de supprimer des postes au sein des mnistères et du haut fonctionnariat, pour renforcer les effectifs des « fonctionnaires de terrain ».

 

Claire O’Petit est sur une ligne sensiblement identique. Pour la candidate, à l’image des intentions de François Bayrou à l’élection présidentielle, il faudrait faire « un audit systématique, dans chaque corporation de fonctionnaires et dans chaque Région, pour voir là où il en manque, et là où il y en trop ».

 

Carl Lang, pour sa part, se montre nettement plus clair. Il lui semble crucial de conserver, voire d’augmenter le nombre de fonctionnaire dans les fonctions régaliennes de l’Etat (police, justice, défense). Mais il estime que pour le reste, et en particulier pour la haute fonction publique, « la question n’est pas de savoir ce qu’il faut faire mais ce que nous pouvons faire », compte tenu du fait que « le pays est en déficit continu depuis 1981″7.

 

Anne Mansouret, elle, s’oppose frontalement à ce débat entre les trois autres candidats. Elle estime qu’il lui appartient de « défendre le concept ô combien important de service public ». Elle ne développera pas plus avant sa pensée, si ce n’est pour affirmer qu’il lui semble « choquant » que les grilles d’avancement et de salaire des fonctionnaires, « très figées », ne soient pas en adéquation avec « les besoins réels de la population ».

 

 

 


 

Unanimité sur l’emploi, clé de voûte de la circonscription

 

Tous les candidats sont tombés d’accord pour dire que l’emploi était le problème majeur de la circonscription. François Levé a parlé de « sinistres économiques graves » à Gisors comme à Vernon, Carl Lang de « phénomène massif et durable de désindustrialisation avec un chômage de masse », Anne Mansouret d’une « représentation politique qui n’a pas du tout anticipé », Claire O’Petit des emplois perdus parfois moins visibles.

 

Un cas pratique est abordé par François Levé : l’usine Merck de Gisors, et ses 380 salariés bientôt sans travail. Le candidat parle sans fard de « comportement de gangster » de l’entreprise américaine, qui a préféré fermer sa propre usine plutôt que de la revendre à un concurrent potentiel8.

 

Pour Claire O’Petit, « ces 380 emplois sont déjà perdus », affirmation qui provoque les protestations de François Levé. Anne Mansouret rappelle alors la fermeture de l’usine GSK à Évreux : si elle estime que « descendre dans la rue ne sert pas à grand-chose », elle propose la nationalisation des usines pharmaceutiques françaises qui doivent être fermées, pour produire des médicaments génériques à l’usage des Français.

 

Au nombre des solutions plus généralistes, Claire O’Petit propose la mise en place dans la circonscription d’une « cellule emploi », ainsi que d’un « guichet unique », destinés non aux grandes entreprises, mais au petites et très petites entreprises. Des entreprises trop souvent délaissées par les hommes politiques, selon elle, au profit des situations où des centaines d’emploi sont menacés.

 

La candidate du Modem pointe également la nécessité de développer le tourisme, alors que ce secteur « crée des emplois » dans la circonscription. Elle fustige notamment les commerçants et leur fermeture le midi dans les zones très touristiques de la circonscription, et parle de « réveiller » la circonscription. François Levé se montre plus circonspect, s’il parle bien de « potentiel important » du territoire en matière de tourisme, il refuse l’idée d’une « France zoo ».

 

Carl Lang tient de son côté un discours plus généraliste, plus national, sur ce sujet de l’emploi et de ce qu’il nomme un « dogme du marché ouvert », cause selon lui de la désindustrialisation dans la région. Il propose donc une « politique de régulation commerciale », et parle de « régulationnisme, et non protectionnisme » qu’il faudrait mettre en place, à l’échelle européenne (ou à défaut française).

 

 

 


 

La cinquième circonscription, ses transports, sa désertification médicale

 

C’est du moins ce qui ressortait de la dernière question de ce débat, qui portait sur les autres problèmes de la cinquième circonscription. Anne Mansouret aimerait « mettre tout le monde autour de la table », afin d’augmenter le nombre de transports en commun entre la gare et le domicile des habitants et d’améliorer les liaisons en train vers Paris. François Levé, plus pessimiste, estime que l’on va « regarder passer le train », la circonscription ne bénéficiant pas de la ligne nouvelle Paris-Normandie.

 

L’autre constat posé par tous : la désertification médicale de la circonscription. François Levé pointe ainsi que « dans cinq ans à Gisors, il restera trois médecins généralistes libéraux ». Il rappelle également que l’hôpital de Gisors, comme Vernon dernièrement, a risqué de perdre des services « fondamentaux ». Un constat dont Anne Mansouret s’empare pour faire une proposition, déjà faite par d’autres : obliger légalement les jeunes médecins à s’installer pour quelques années dans les zones où leur présence manque.

 

Carl Lang, resté quelque peu en retrait durant cette séquence très locale du débat, s’est emparé des propos tenus par Anne Mansouret un peu plus tôt, pour rappeler aux autres candidats que « le parlementaire n’est pas un super-conseiller général ». Selon lui, en dehors de l’emploi, sujet aussi bien local que national, c’est « l’identité nationale » et « le sentiment de se sentir chez soi » qui préoccupent les habitants de la circonscription.