Vernon Politique

Censure : le maire socialiste de Vernon menace de me traîner en justice

EdNonrev

Philippe Nguyen Thanh, maire de Vernon, membre du parti socialiste, mandataire eurois de la campagne victorieuse du Président de la République.

Philippe Nguyen Thanh, maire de Vernon, membre du parti socialiste, mandataire eurois de la campagne victorieuse du Président de la République.

Cette nuit, plusieurs articles ont été modifiés. Philippe Nguyen Thanh, maire PS de Vernon, a réussi à censurer ce journal. Menaçant, il a invoqué, dans une lettre officielle, une éventuelle procédure judiciaire. Et a exigé la suppression totale de toute citation de noms ou de propos de fonctionnaires municipaux, quel qu’en soit le motif. Y compris lorsque ce nom est public, et que sa citation relève de l’intérêt général et du droit à l’information.


Le prétexte

Une citation du nom et de propos de la directrice juridique de la mairie, dans un récent article traitant de l’accès aux documents publics. Je ne l’avais pas informée que je pouvais la citer, ses propos ayant été recueillis lors des vœux de la mairie, avec un bloc-notes et devant un adjoint vernonnais1.

Pourquoi un prétexte ? Parce que les citations de fonctionnaires de l’urbanisme (il y a plus d’un an), sur des points techniques, ici et ici, ne m’avaient valu aucune demande. Pas plus, d’ailleurs, que ces articles citant des fonctionnaires du service de communication de la mairie : ici, ici, ici et ici. Ou encore celui-ci, où je remerciais nommément la directrice des archives. Des propos et des noms cités avec l’autorisation des intéressés2.

L’article réellement visé, j’en suis persuadé, a deux mois d’existence. Il est consacré à la conférence de presse du délégué syndical CGT du personnel municipal. Dans l’article, il est fait mention à plusieurs reprises des pratiques (dénoncées par la CGT) de la directrice générale des services de la ville. Une directrice membre du PS de Sotteville-lès-Rouen, et proche du maire Pierre Bourguignon. La CGT citait son titre de DGS, j’informais le lecteur de son nom, une donnée publique.


La censure

Dans un premier courrier officiel signé du maire socialiste de Vernon lui-même, et envoyé par le service juridique, deux paragraphes concernent la citation de la directrice dudit service juridique3. Comme toujours, le diable se cache dans les détails, en l’occurrence le dernier paragraphe :

Au regard de ces éléments et notamment sur la protection des fonctionnaires que toute autorité se doit de mettre en oeuvre, je vous demande de bien vouloir supprimer de vos articles et de toutes références telles que les mots clés, les noms et prénoms des fonctionnaires cités […] En cas de refus, je me réserve le droit d’engager des poursuites pour assurer la protection fonctionnelle que je dois à mes agents.

J’ai immédiatement mis à jour l’article qui concernait la directrice juridique, tout en demandant une confirmation écrite pour les autres articles, en détaillant les différentes situations. Je n’ai pas été déçu par la seconde lettre du maire de Vernon, reçue hier :

Je vous confirme ma demande de ne citer aucun nom de fonctionnaire, quel qu’il soit, quelle que soit sa fonction et dans tous vos articles.

Le maire socialiste, Philippe Nguyen Thanh, se permet donc d’exiger que je supprime les noms des fonctionnaires cités avec leur autorisation et celle de son propre service de communication. Surtout, il estime dans son bon droit de vouloir censurer une information publique et d’intérêt général : le nom de sa directrice générale des services, mise en cause par un syndicat dans une conférence de presse.


Ma réaction

Elle est simple. J’ai obéi à l’injonction de censure de mes propres articles par le maire de Vernon, et ce pour deux raisons :

  • Je n’ai pas l’envie de me lancer dans un combat judiciaire, coûteux en temps et en argent.
  • J’ai créé ce journal pour informer gratuitement les Vernonnais, et certainement pas pour leur coûter de l’argent au travers d’une procédure judiciaire intentée par leur mairie (qui est aussi la mienne).

Il est par contre signalé, dans tous les articles mis à jour, les raisons qui ont poussé à ces suppressions systématiques. Qu’il soit retenu que le maire de Vernon, membre du parti socialiste et responsable eurois de la campagne présidentielle de François Hollande, se permet de vouloir censurer un support d’information public et non militant. Le mot est fort, mais cette tentative évidente d’intimidation ne l’est pas moins4.

Le lecteur pourra également noter avec intérêt la proximité de ces courriers de censure avec des articles incriminant directement la mairie de Vernon. Je pense évidemment à la conférence de presse de la CGT, mais aussi à l’explosion des coûts d’un des projets d’urbanisme, ainsi qu’à la distribution récente d’un feuillet promotionnel totalement illégal.


Mise à jour, 29 janvier :

Les responsables politiques vernonnais ont accepté de commenter cette affaire. Tout comme le premier adjoint Jean-Luc Piednoir, qui a finalement accepté de répondre à mes questions après publication du second article (mis à jour pour intégrer ses propos). Seule la fédération PS de l’Eure est restée murée dans un silence assourdissant. Ce second article de réactions est à lire ici : Censure du maire de Vernon : les réactions politiques

  1. Ce fut une erreur de ma part, que je reconnais volontiers : j’aurais du lui dire clairement qu’elle pourrait être citée dans un article.
  2. Une autorisation certes non appuyée par une lettre signée de leur part, ou par l’autorisation écrite du premier adjoint qu’exige désormais le maire de Vernon dans ses courriers.
  3. Un simple courriel de la part de cette directrice, ou de la mairie, demandant poliment cette suppression, aurait suffi, en ce qui concerne cet article et cette citation.
  4. Le lecteur pourra noter que les médias locaux, de Paris Normandie au Démocrate Vernonnais en passant par Caméra Diagonale, qui ont déjà cité, récemment ou pas, des noms de fonctionnaires municipaux, n’ont pas été victimes de la censure qui me touche. Le maire s’en est logiquement pris à celui qu’il voyait comme le plus faible : le jeune sans carte de presse…