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Budget 2012 à Vernon : investissement record et satisfecit de la majorité | Petit journal politique de Vernon

EdNonrev

Le budget prévisionnel 2012 a occupé la majeure partie du dernier conseil municipal vernonnais, le 16 décembre dernier. La majorité municipale, plus apaisée que les années précédentes, a voulu mettre en avant le montant “historique” des investissements pour 2012, à hauteur de 14,3 millions d’euros. Elle a également insisté sur le retour de la ville à une certaine santé financière, ce qui permet de dégager une épargne nette positive pour la seconde année consécutive. Le budget total, soit l’investissement, le fonctionnement et le remboursement de la dette (capital plus intérêts), représente un peu plus de 39 millions d’euros.

L’opposition ne s’est pas privée de faire remarquer que les excédents de 2011 et 2012 font suite à une augmentation de 10 % des impôts locaux en 2010. Bernard Touchagues et Jean-Luc Miraux, qui ont voté contre ce budget, ont mis en cause la nature des investissements annoncés pour 2012, tant sur la (non) réalisation dans les temps des travaux promis par la majorité, que sur leur ampleur qui serait selon eux faible sans la rénovation des Boutardes (qui représente huit millions d’euros sur les quatorze annoncés). Enfin, ils ont exprimé leur inquiétude face à un budget de fonctionnement qu’ils estiment au mieux imprécis, et au pire mensonger.

Sommaire :

  1. Majorité : pas de dissensions affichées
  2. La majorité accuse le gouvernement…
  3. …et se dit très satisfaite de sa gestion
  4. Précisions sur l’endettement vernonnais
  5. Un budget de fonctionnement qui augmente de 1,45 % , à 20 millions d’euros
  6. 14,3 millions d’euros d’investissement, en augmentation de 50 %
  7. Jean-Luc Miraux, Vernon Réussite : “pas un vrai budget”
  8. Bernard Touchagues, parti de la France : “vous avez un comportement de riche”

Majorité : pas de dissensions affichées

L’année 2011 aura été riche en bisbilles de toutes sortes entre les socialistes et leurs alliés communistes et écologistes. Du côté de Vernon-défis, Jérôme Bultel démissionnait de son poste d’adjoint au développement durable au printemps, tandis que le groupe s’abstenait lors du vote du budget 2011. Les communistes, après des mois de réclamations, finissaient également par protester publiquement en organisant une conférence de presse au mois d’octobre.

Rien de tout cela en ce conseil de décembre, si ce n’est l’absence remarquée des deux adjoints écologistes, Marie-Christine Chauffeteau et un Jean-Claude Mary pourtant fraîchement élu adjoint1. Même les communistes, d’habitude fort longs dans leurs interventions, s’en sont tenus à un discours d’une sobriété inhabituelle2 . En dehors d’Emmanuel Colletis (PC), qui s’est abstenu, les partenaires des socialistes à la mairie ont voté en faveur de ce budget prévisionnel.


La majorité accuse le gouvernement…

La majorité municipale a, comme les années précédentes, pointé du doigt le gel ou la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales. Selon Philippe Nguyen Thanh, qui parle de “billard à trois bandes” , ces baisses sont fortement ressenties par les communes, car elles poussent également les régions et les départements à diminuer leurs subventions. De plus, selon lui, les communes subissent “une augmentation des charges” à cause des “demandes supplémentaires” faites par l’État aux communes et non suffisamment compensées. Il fera également une remarque plus nationale :

On nous demande d’être vertueux, mais l’État ne l’est pas, lui qui finance son fonctionnement avec la dette [ce qu’il est interdit de faire aux collectivités locales] . Avant la règle d’or, il faudrait balayer devant son jardin.

Le gel par le gouvernement des dotations aux collectivités locales est une réalité, non contestable. Cependant, Vernon touche chaque année, comme de nombreuses autres villes ayant une partie importante de sa population dans des difficultés financières, la Dotation de Solidarité Urbaine. Or, l’enveloppe globale de la DSU progresse de 4,6 % en 2012, et si la ville ne sait pas quelle sera sa position sur la liste (qui détermine la taille de la part reçue par chaque commune) , elle envisage de recevoir en 2012 plus de 1,7 millions d’euros à ce titre (soit une augmentation de 80 000 euros comparativement à 2011).

De plus, si les taux des impôts locaux ne changent pas, les bases de calcul de ceux-ci (taxe foncière et taxe d’habitation), déterminées par l’État, vont augmenter de 1,8 %. Ce qui permettra à la ville de toucher 0,67 % de plus pour l’ensemble des taxes perçues3 . Les contribuables, eux, verront leur feuille d’imposition légèrement augmenter, même si la majorité pointe avec raison qu’elle n’a “aucun contrôle sur les bases de calcul” (on y reviendra plus bas).


…et se dit très satisfaite de sa gestion

Sur un plan comptable, la majorité municipale a manifesté une grande satisfaction, Philippe Nguyen Thanh s’affirmant “très content de ce budget” . Sur un plan plus objectif, il dira également :

[nous avons une] gestion ambitieuse en termes d’objectifs, une gestion qui nous permet de dégager un solde positif et de maintenir nos capacités d’autofinancement.

Ces deux dernières affirmations sont vraies : c’est la seconde année consécutive, et ce depuis plus d’une décennie, que le budget de la ville dégage une épargne nette positive. Si Jean-Luc Miraux a émis des réserves, notamment car le volume record des investissements a fait baisser les capacités d’autofinancement par rapport à 2011, la situation financière de la ville s’améliore depuis 20104.


Précisions sur l’endettement vernonnais

Pour des raisons de compréhension, j’ai exclu du chiffre de l’investissement le remboursement du capital de la dette, qui s’élèvera à 3,15 millions d’euros l’année prochaine. L’investissement représente donc uniquement des dépenses concrètes, telles que de nouveaux bâtiments ou la rénovation des rues. Par contre, dans les 20 millions d’euros de fonctionnement, sont inclus les 1,15 million d’euros de remboursement des intérêts de la dette (pour permettre de comparer le budget de fonctionnement avec l’année 2011) .

L’ensemble des coûts de la dette vernonnaise est donc de 4,3 millions d’euros pour 2012, soit un peu plus de 10 % du budget total de la ville. Ce nombre est supérieur à la moyenne des villes françaises de taille similaire. Cependant, comme l’affirme la majorité quand elle dit avoir “maîtrisé la dette par rapport au début du mandat”, le coût de remboursement de la dette est bien en baisse par rapport aux années précédentes.

Comme le volume total à rembourser de la dette communale, qui est à un peu moins de 32 millions d’euros (capital ajouté des intérêts). Cette dette devrait cependant atteindre 36 millions d’euros en 2012, car il est prévu un nouvel emprunt l’année prochaine. A titre de comparaison : même avec l’emprunt 2012, l’endettement sera moindre qu’à la fin du mandat de Jean-Luc Miraux. Ce que ne s’est pas privé de faire remarquer l’adjoint aux Finances au précédent maire, lorsque celui-ci a émis des critiques quant à la gestion du budget par la majorité municipale.


Un budget de fonctionnement qui augmente de 1,45 % , à 20 millions d’euros

Les salaires totaux des employés municipaux, qui représentent un peu plus de 50 % de ce budget de fonctionnement, augmenteront de 0,89 % . Un chiffre auquel ne croit pas Jean-Luc Miraux, qui déclara au conseil qu’une hausse si faible était “impossible” à cause des augmentations de salaires dues à l’ancienneté. A cela, Guillaume Guibet répondit que Jean-Luc Miraux avait fait la même remarque en 2011 (+ 1,94 % à l’époque) , mais aussi que “la CAPE est sur la même tendance” .

Les charges financières, soit le paiement des intérêts d’emprunt, sont en baisse d’environ 2,5 % . Ces économies sont toujours positives pour une ville, même si cette baisse sera difficile à reproduire en 2013 avec la prise d’un nouvel emprunt en 2012.

Les charges générales subissent la plus forte augmentation (4,24 %) , à cause, selon Guillaume Guibet :

  • D’une augmentation du volume des tracts de communication de la mairie, avec en particulier un futur “journal de l’ANRU” (accompagné de plaquettes d’informations) qui sera distribué à tous les riverains concernés par l’opération de rénovation du quartier des Boutardes.
  • D’une augmentation de plus de 100 000 euros des frais d’entretien des terrains. La mairie va en effet devoir effectuer trois tontes par an au quartier des Douers, qu’elle vient de récupérer aux promoteurs immobiliers5. Mais aussi sur le site de l’ancienne décharge, qui en plus d’être tondu devra être pompé à cause des jus de décomposition qui se sont probablement formés.
  • Des 130 000 euros dédiés aux éventuelles futures études concernant le LRBA.
  • Des 30 000 euros consacrés à l’introduction partielle de nourriture biologique et/ou locale dans les cantines.

14,3 millions d’euros d’investissement, en augmentation de 50 %6

Ce montant “historique” et “jamais vu à Vernon depuis la création de la CAPE” selon Guillaume Guibet, l’adjoint aux Finances, est dû pour une grande partie au début de la rénovation urbaine du quartier des Boutardes, que les habitants attendent depuis plus de cinq ans. Cela comprendra en particulier la création du pôle enfance (école primaire et centre de loisirs) aux Douers, du centre social à l’entrée des Boutardes ainsi que de la voirie. Cela représente environ huit millions d’euros à la charge de la commune.

Les autres dépenses les plus visibles concerneront : la rénovation des rues de la ville, l’aménagement des bords de Seine et de l’ancienne piscine d’été, les travaux à la base nautique des Tourelles, l’isolation des bâtiments municipaux7, la réhabilitation de la décharge ainsi que le plan d’aménagement du centre-ville (subventionné par le FISAC).

Les “dépenses non individualisées”, figurant dans le tableau ci-dessu, concernent un grand nombre d’opérations dont les montants sont variables, comme par exemple les subventions d’équipement (liées à l’achat de matériel ou de travaux) pour les associations.

Le sujet épineux, et polémique à Vernon, de la réalisation des investissements, c’est-à-dire de la capacité de la ville à réaliser dans les temps les travaux promis, a été longuement abordé par Guillaume Guibet lors de la conférence de presse précédent ce conseil municipal. Ce taux de réalisation a été depuis 2008 assez faible, donnant partiellement raison à un Jean-Luc Miraux qui parle régulièrement de “poudre aux yeux” concernant les investissements de la majorité municipale.

Pour 2011, Jean-Luc Piednoir, premier adjoint, assurait en novembre d’un taux de réalisation de 55 % , en amélioration par rapport aux années précédentes. Selon Guillaume Guibet, qui reconnaît le caractère “pas extraordinaire” de celui-ci, c’était notamment dû à un vote trop tardif du budget (en 2011 : avril). Selon lui, le vote de cette année, qui se produit avant 2012, devrait permettre à ce taux d’être “nettement meilleur” en 20128. Les Vernonnais verront d’eux-même si cette promesse se concrétise, ce qui nécessitera une bonne organisation des services techniques sur le terrain.


Jean-Luc Miraux, Vernon Réussite : “pas un vrai budget”

Le précédent maire et premier opposant à l’actuelle majorité municipale a commencé par une remarque de forme, une forme qu’il décrit comme “curieuse” , parlant du budget prévisionnel comme n’étant pas vraiment “sincère et transparent” , ajoutant même que le conseil municipal était une “simple chambre d’enregistrement” de décisions déjà prises. En effet, si les élus disposaient des données générales, “beaucoup de lignes de commentaire manquent” dans ce budget prévisionnel9.

Sur le fond, Jean-Luc Miraux a pointé l’incohérence à ses yeux de “dire que c’est la crise pour vous avec beaucoup moins de recettes, mais que cette année vous allez faire un investissement inégalé et que vous avez dégagé des capacités d’autofinancement plus élevées” . Il a également fustigé les considérations nationales de la majorité, relatives selon lui à “un discours de campagne d’élections législatives”.

Il a également pointé l’augmentation des charges à caractère général, de 4,4 % en 2012, qui s’ajoutent aux 3,3 % de 201110. Il affirma que la majorité “augmente les dépenses de communication, pour ne pas dire de propagande” , faisant notamment allusion aux “48 pages” du journal municipal de cet été11 . Sur ce sujet précis, il ajouta que son propre bilan de mi-mandat avait été “payé personnellement” et non sur les deniers municipaux.

Enfin, Jean-Luc Miraux revint sur ce qui est son cheval de bataille depuis 2008, à savoir tant la faiblesse supposée des investissements de la majorité, que leur non-réalisation (et donc l’absence des travaux promis) :

C’est un rideau de fumée que vous nous dressez : ces presque quinze millions d’euros s’expliquent avec l’opération de rénovation des Boutardes, ce qui relativise votre effort. Il y a un second rideau de fumée : vous inscrivez au budget [des investissements] que vous ne consommez pas, comme j’ai eu l’occasion de le montrer à plusieurs reprises ce soir, par exemple avec la piscine d’été ou le site des Tourelles.

A tout cela, Philippe Nguyen Thanh, contrairement à l’habitude des conseils municipaux où l’on vote le budget prévisionnel, répondra fort brièvement :

Monsieur Miraux, je n’ai plus grand-chose à vous dire, vous me parlez d’apocalypse. Pourtant, vous le voyez bien, on a fait un vrai budget. Je vois que ce qui vous chagrine, c’est l’opération ANRU [NdA : rénovation des Boutardes] qui s’adresse à une population en souffrance qui a besoin de ces investissements.


Bernard Touchagues, parti de la France : “vous avez un comportement de riche”

Comme Jean-Luc Miraux, Bernard Touchagues a reproché une forme imprécise au budget prévisionnel, parlant même d’un “budget fait à la louche, comme on fait le camembert” , et donnant l’exemple de la piscine d’été. Il s’est également plaint, comme il l’avait fait en avril 2011, de devoir voter un budget prévisionnel alors même que les comptes administratifs ne sont pas connus12.

Sur le fond, Bernard Touchagues estime qu’il est déraisonnable d’augmenter de 1,45 % le budget de fonctionnement compte tenu de la crise, car “combien de familles de Vernon vont voir leur rémunération augmenter de 1,5 % en 2012 ? “ . Il ajouta qu’il était même faisable de réduire ce budget sans toucher au personnel municipal, en réduisant les charges annexes (comme les dépenses de communication) .

Bernard Touchagues s’opposa également à la rénovation de la rue d’Albuféra, une “dépense prestigieuse” , parlant par ailleurs “d’inflation des budgets car on s’oblige à dépenser” . Il mentionna aussi, à l’instar de Jean-Luc Miraux, le fait que sans l’opération de rénovation des Boutardes, le montant des investissements serait assez faible.

Enfin, Bernard Touchagues exprima sa déception quant au “maintien du taux des taxes” , arguant qu’avec l’augmentation des bases par l’État, les Vernonnais paieraient plus d’impôts. Il aurait voulu que la majorité fasse “une action au moins symbolique” en baissant un peu le taux des impôts locaux pour “faire un effort que d’autres ne font pas” . Ce qui l’amènera à conclure, sans obtenir réellement de réponse de la part du maire :

2012 était l’année à ne pas manquer pour envoyer un message aux populations. La majorité n’a pas choisi de se serrer la ceinture, alors qu’il fallait aller au-delà du simple respect envers les vernonnais, en annonçant une réduction de la masse d’imposition qui pèse sur leurs épaules.


Pour aller plus loin :

  • Paris Normandie : L’interview de Guillaume Guibet à propos du budget prévisionnel, ainsi que le compte-rendu du conseil municipal.
  1. Une élection qui date d’octobre. Le poste est celui du développement durable, en remplacement de Jérôme Bultel, après plusieurs mois de vacance du poste.
  2. Sans compter l’intervention d’Emmanuel Colletis, à propos d’une fermeture éventuelle de services à l’hôpital Saint-Louis.
  3. Car l’ancienne taxe professionnelle, maintenant reversée par la CAPE, reste fixe. Par ailleurs, 0,67 % d’augmentation totale représente une diminution, car l’inflation a été de 2 % 2,5 % en 2011. Mais le citoyen qui n’a pas vu son salaire augmenter ne le voit pas forcément de cette manière…
  4. Une année 2010 qui avait vu les impôts augmenter de 10 % , un chiffre non négligeable, même si la majorité affirme que cette augmentation était nécessaire à cause de la “mauvaise gestion” de l’ancien maire. Pas sûr que ce refrain bien connu des citoyens, qu’il soit vrai ou faux par ailleurs, soit apte à convaincre les Vernonnais…
  5. Promoteurs qui n’ont pas développé et construit sur ces terrains, la ville en est donc redevenue propriétaire, comme il était indiqué sur le contrat.
  6. Auxquels il faut ajouter, pour les travaux de rénovation des Boutardes, 1,2 million d’euros avancés par Vernon, donc figurant au budget, mais en réalité financés par la CAPE (qui remboursera la ville). C’est ce qui porte le chiffre global des dépenses d’investissement à 19 millions d’euros au plan comptable : 14,3 millions d’euros pour les travaux, le 1,2 million avancé à la CAPE et les 3,5 millions d’euros de remboursement du capital de la dette.
  7. Par exemple, après le rez-de-chaussée, le premier étage de la mairie devrait être aussi équipé de double vitrages en 2012.
  8. Rappel : la Cour des Comptes considère qu’un taux de réalisation inférieur à 40 % est mauvais, qu’un taux entre 40 et 70 % est “perfectible”, et qu’un taux supérieur à 70 % est bon. Par ailleurs, il est rare qu’une collectivité locale dépasse les 80 % de réalisation de ses investissements annoncés.
  9. A titre personnel, je me dois de préciser que cette remarque de forme m’a semblé valide. Si le budget est très didactique, il manque manifestement des explications dans certaines sections. De même, si le tableau des investissements, reproduit ci-dessus, est fort bien détaillé, nous ne disposons d’aucun tableau pour les autres sections du budget.
  10. Il commit, en ajoutant que l’augmentation de ces charges était “de 7,7 % sur deux ans” , à cette occasion une erreur que je me dois de signaler : l’augmentation sur deux ans est en réalité de 7,85 % .
  11. En réalité, le Vernon Magazine n°127 contenait environ 25 pages supplémentaires par rapport aux autres numéros. Ces pages supplémentaires faisaient clairement office de bilan de mi-mandat.
  12. C’est une remarque valide, car seuls les comptes administratifs sont exacts. Les budgets prévisionnels contiennent en effet une part d’incertitude, liée aux dépenses, pas forcément faites si les travaux ont du retard, ainsi qu’aux recettes, qui peuvent changer en fonction par exemple du dynamisme économique de la ville.