Vernon Politique

Déficit de l’hôpital : fermeture envisagée pour la chirurgie à Vernon

EdNonrev

L’hôpital Saint-Louis, décembre 2011.

 

 

Le centre hospitalier intercommunal Évreux-Vernon connaîtra cette année un déficit de plus de 13 millions d’euros. Les mesures étudiées pour le réduire pourraient être dramatiques pour l’hôpital Saint-Louis, à Vernon : la fermeture du bloc opératoire est envisagée par l’Inspection Générale des Affaires Sociales, avec celle d’autres services comme la pharmacie ou le laboratoire d’analyses. Cela ne laisserait d’autre choix aux Vernonnais que de se rendre à Évreux ou en clinique pour se faire opérer.

 

Ce sont les chirurgiens qui ont sonné l’alarme auprès des élus. Le maire, lui-même médecin, a réagi en organisant une conférence de presse vendredi dernier. Le même jour, Emmanuel Colletis, élu communiste et anesthésiste radiologue à l’hôpital, a également soulevé le sujet au conseil municipal.

 

 

 

Le centre hospitalier d’Évreux-Vernon est en très mauvaise posture financière. En 2011, ce sont entre 13 et 14 millions d’euros qui manquent pour boucler le budget, alors que les années précédentes étaient déjà lourdement déficitaires1 . C’est l’IGAS qui a été chargée de trouver comment réduire le déficit du groupement hospitalier en réalisant un audit. Les réponses que ses enquêteurs ont évoqué dans les couloirs de l’hôpital sont pour le moins inquiétantes, ce qui a poussé les praticiens concernés à appeler la mairie et les syndicats2.

 

Pour Philippe Nguyen Thanh, “très circonspect” sur cette mission de l’IGAS, le déficit du centre hospitalier est “structurel” , dû au niveau trop faible des subventions de fonctionnement. Il parlera aussi de la tarification à l’activité, mise en place en 2007 par le gouvernement :

Je trouve ça extrêmement pervers, car l’hôpital public doit assumer toutes les missions, y compris celles qui ne rapportent pas, contrairement aux cliniques.

 

Voilà pour les causes nationales. Philippe Nguyen Thanh voit également des explications locales à cet énorme déficit budgétaire, tout en refusant de mettre en cause la nouvelle direction de l’hôpital :

Concrètement, pour [le centre hospitalier] Évreux-Vernon sur deux sites, la fusion n’a pas été bien vécue dans les esprits, ça ne fonctionne pas très bien, des choses seraient perfectibles. […] un nouvel hôpital à Évreux dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est surdimensionné, même s’il répond à des critères architecturaux et esthétiques très intéressants. On a plus de mètres carrés à entretenir, pour pas plus d’activité. C’est le site d’Évreux qui creuse le déficit. […] Ce n’est pas à Vernon de payer les difficultés, et on ne doit pas faire peser les problèmes d’Évreux sur Vernon.

 

Le maire a exprimé son opposition totale à la fermeture d’un service aussi “essentiel” que la chirurgie, comme il s’oppose à toute réduction de personnel3. Philippe Nguen Thanh dit vouloir faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter de telles décisions, qui déclencheraient “un processus dramatique” . Cela passera par une concertation avec médecins et syndicats sur ce sujet. Cependant, il ajoute que ce pouvoir est “très limité” vis-à-vis de l’hôpital4.

 

Philippe Nguyen Thanh voudrait que l’hôpital Saint-Louis renforce son activité, car “il doit être attractif”, et pour cela il faut “améliorer l’offre de soins” , “faire venir des médecins” et “mieux coopérer avec les médecins de ville”5.

 

Au vu des informations transmises par les chirurgiens de l’hôpital de Vernon, ce ne sera probablement pas la teneur du rapport de l’IGAS6. Une IGAS qui a comme unique mission de réduire le déficit comptable du centre hospitalier Évreux-Vernon. Comme le résumera Emmanuel Colletis au conseil municipal : “les besoins de santé de la population ne sont pas le problème de l’IGAS” . Un constat qui va probablement rester en travers de la gorge des Vernonnais.

 

 

 


 

Mise à jour, 21 décembre :

 

  • On pourra aller lire l’intéressant article de Paris Normandie, qui donne la parole à des médecins de l’hôpital, et évoque la possible fermeture de la maternité de l’hôpital dans quelques années.

 

  • Le Démocrate de ce mercredi a également publié un article sur le sujet. Le journal a ressorti de ses archives les déclarations de Jean-Luc Miraux, alors maire, à propos de la fusion des hôpitaux d’Evreux et de Vernon (en 2003) . Celui-ci se disait “rassuré” par les promesses de l’agence régionale de santé, et ajoutait :

On n’imagine pas que de tels investissements [note du Démocrate : la restructuration des urgences et le financement de l’IRM] puissent être consentis si c’est pour transformer l’hôpital de Vernon en maison de retraite d’ici cinq ou dix ans.

 

 

  1. L’ARS comblera probablement en partie ce déficit, mais cela sera, selon le maire, “loin d’être suffisant”.
  2. Le maire émettra l’idée que ces propositions de fermeture de services, non officielles, soient un moyen pour l’IGAS de “tâter le terrain”. Il tient de toute manière à montrer l’opposition de la mairie à ces projets éventuels de l’IGAS. Le docteur Colletis, lui, parlera de “coups portés aujourd’hui à l’hôpital”
  3. Il suppose que l’IGAS fera également cette proposition de suppression de postes. Il s’y refuse car “cela dégraderait les soins” .
  4. En effet, avec la réforme de 2007, le conseil d’administration, composé notamment d’élus locaux, et qui avait des pouvoirs décisionnaires, a disparu. Il a été remplacé par un conseil au rôle uniquement consultatif, donc sans pouvoir réel. Sans ce canal administratif, ne restent que les canaux politiques à la majorité municipale pour influer sur l’avenir de l’établissement. Emmanuel Colletis a ainsi proposé la tenue, médiatisée et publique, d’un conseil municipal extraordinaire consacré à l’hôpital de Vernon.
  5. Ce qui est, pour le maire, une manière pudique de dire que les médecins vernonnais ont tendance à envoyer leurs patients se faire soigner en clinique ou dans d’autres hôpitaux.
  6. L’IGAS rendra en janvier son rapport définitif aux autorités compétentes. Il semble cependant qu’il soit déjà en train de circuler au sein de l’Hôpital Saint-Louis.