Vernon Politique

Voeux de l’hôpital de Vernon : ni fermeture de la chirurgie, ni fermeture de la maternité, assure la direction

EdNonrev

Olivier Brand, directeur du centre hospitalier, lors de son discours de voeux. Derrière lui, de gauche à droite : Jean-Luc Lecomte, Hélène Ségura, Gabriel Sino, Philippe Nguyen Thanh, Gérard Volpatti, Franck Gilard, Christian Richard, Jérôme Triquet, René Duval.

Lundi fut une journée chargée à l’hôpital Saint-Louis, alors que les personnels s’inquiètent de voir certains services fermer. Ceci suite à une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales, qui fut chargée par l’ARS de trouver des pistes pour réduire un déficit de 15 millions d’euros en 2011. Fut ainsi évoquée par les enquêteurs auprès des médecins la fermeture de services aussi importants que la chirurgie ou la maternité.

En début d’après midi eut lieu une manifestation dans l’hôpital, à l’appel de l’intersyndicale du centre hospitalier Évreux-Vernon, pour protester contre toute réduction de personnel ou fermeture de services. Puis, plus tard, c’est la direction qui eut l’occasion de s’exprimer, lors des voeux de l’hôpital au personnel.

Les annonces qui furent faites à ces voeux se révèlèrent rassurantes, la direction ayant annoncé qu’elle excluait toute fermeture des services de chirurgie et de maternité dans le cadre du futur plan de redressement de l’hôpital. Les syndicats, cependant, préfèrent « rester vigilants », et attendent la présentation de ce plan par le directeur, Olivier Brand. Une présentation qui aura lieu dans moins de dix jours.

Sommaire :

  1. Forte mobilisation du personnel à la manifestation
  2. La direction révèle le contenu du diagnostic de l’IGAS
  3. Des voeux en demi-teinte pour Olivier Brand
  4. Des réactions contrastées face aux discours de la direction

Forte mobilisation du personnel à la manifestation

Au micro, Jean-Claude Nicaise, président du comité de défense de l’hôpital.

Dans le hall de l’hôpital, ce sont plus de 200 personnes qui étaient rassemblées en début d’après-midi, appartenant essentiellement au personnel de l’hôpital Saint-Louis1. De leur côté, les Vernonnais n’ont pas répondu présent à un appel qui, il est vrai, n’avait pas été relayé activement dans la ville en dehors des médias. Plusieurs hommes politiques locaux étaient présents, dont Jean-Luc Lecomte (PC – Front de Gauche), Jean-Claude Mary (Vernon-défis), Jérôme Bourlet (EELV) et l’ancien maire Jean-Luc Miraux.

Martine Dupont, représentante FO de l’intersyndicale (CGT, FO, CFDT et CNI), a rappelé que les urgences gynécologiques avaient déjà fermé leur portes cet automne, à l’hôpital d’Évreux. Elle a parlé d’un constat « à ce jour dramatique » du tranfert à Cambolle, car « rien n’est réglé ». Demandant « à quel prix » allaient se faire les économies, elle a appelé le personnel à « rester mobilisé ».

Jean-Claude Nicaise, président du comité de défense de l’hôpital, a demandé à « développer l’offre de soins » au lieu de la réduire, pour un hôpital qui soigne aussi « beaucoup de non-Vernonnnais, du plateau du Vexin à la vallée de l’Eure en passant par la vallée de Seine ». Il a également annoncé la distribution de badges « touche pas à mon hosto » (voir ci-contre).

Emmanuel Colletis, radiologue à l’hôpital et élu communiste, a pour sa part appelé les élus et syndicats à lancer « des actions avec le Conseil Général, les conseils municipaux d’Évreux et de Gisors ». Tout comme à l’affichage d’une banderole devant la mairie, ainsi qu’à la sollicitation des Vernonnais pour défendre leur hôpital : « on doit être capables d’aller sur les marchés ».

Les trois intervenants ont été très applaudis par le personnel présent. Martine Dupont et Jean-Claude Nicaise répèteront peu ou prou le même discours plus tard dans l’après-midi, aux voeux de l’hôpital.


La direction révèle le contenu du diagnostic de l’IGAS

Contrairement à l’intersyndicale, qui attendait la présentation du plan de redressement pour diffuser le rapport préliminaire de l’IGAS, le directeur du CHI, Olivier Brand, l’a détaillé assez précisément à ceux qui étaient présents aux voeux. Ce diagnostic ne contient pas de préconisations, celles-ci étant réservées au rapport final, actuellement en cours de rédaction au ministère de la Santé2.

Toutefois, il établit un certain nombre de choses concernant les causes du déficit massif du centre hospitalier. Un déficit qui représente de 7 à 10 % du chiffre d’affaires de l’hôpital (selon le mode de calcul). Si l’IGAS, comme il lui a été reproché par nombre d’intervenants, s’attache au déficit avant de penser aux besoins de santé, elle ne se contente pas d’une simple vision comptable dans ce diagnostic. Selon l’IGAS, c’est en effet une triple crise qui touche le centre hospitalier : une crise financière, mais aussi une crise médicale et une crise stratégique.

Ce diagnostic insiste sur le fait que le déficit est également réparti, au prorata du personnel (700 à Vernon, 1500 à Évreux) entre les deux sites, et désigne nommément les pôles responsables : la chirurgie, les urgences, la maternité et la pédiatrie. On remarquera que ces pôles sont les plus essentiels à la population de Vernon et des alentours, et les plus fréquentés.

L’IGAS parle aussi à plusieurs reprises de gros problèmes d’organisation au sein de l’hôpital, qui semblent reposer quasi-exclusivement sur la direction, donc sur le prédécesseur d’Olivier Brand : ils vont d’un management trop centralisé à une mauvaise cohésion des personnels, en passant par des équipes démoralisées et des embauches de médecins pas assez impliqués3. Les médecins libéraux, pour des raisons diverses, n’amènent plus leurs patients aux hôpitaux de Vernon et d’Évreux, et les patients vont se faire soigner ailleurs, en clinique ou dans d’autres hôpitaux.

Enfin, et c’est certainement le point de ce diagnostic qui fait et fera le plus polémique : l’IGAS décrit la fusion comme s’étant faite « à minima », avec des « hôpitaux-miroirs », c’est à dire que tous les services ou presques sont présents sur chaque site. La conséquence tirée par l’IGAS est claire : il faut que les deux sites se complètent plus que se « concurrencent ». Donc fermer des services de part et d’autre.

C’est, de la part de cet organisme, négliger une composante cruciale de l’histoire de la fusion de ces hôpitaux : ce pour quoi les hommes politiques avaient signé à l’époque était précisément cette fusion « à minima ». L’objectif était de réduire les coûts sur les deux sites en mutualisant l’administratif et les fournitures, pas les soins, c’est d’ailleurs ce que garantissaient les documents de l’époque4.


Des voeux en demi-teinte pour Olivier Brand

Philippe Nguyen Thanh, maire de Vernon, a également fait un discours lors de la cérémonie des voeux.

Le directeur a parlé des annonces, par les enquêteurs de l’IGAS, de possible fermeture de la chirurgie et de la maternité, comme étant des « ballons sondes ». Christian Richard, le président de la commission médicale d’établissement, parlera pour sa part de « pétards »5 . Ils ont également insisté sur le fait que les recommandations du rapport final de l’IGAS n’auront pas de caractère obligatoire, les choix revenant à la direction de l’hôpital6. Ils ont esquissé ensuite l’avenir des deux sites, tel que l’envisage la direction du CHI :

  • À court terme, elle veut à tout prix réduire le déficit, en développant rapidement certaines activités médicales comme la pneumologie, la gastro-entérologie et la neurologie à Évreux, ainsi que la gériatrie et l’hémodialyse à Vernon7. La réorganisation des secrétariats est également à l’ordre du jour, les médecins et patients qui appellent ayant de grandes difficultés à joindre les secrétariats et à prendre rendez-vous. Cela devrait, entre autres, permettre de réduire l’attente pour les consultations.
  • Sur la période 2013-2016, il semble que le centre hospitalier ne coupera pas à une fermeture de certains services à Évreux comme à Vernon, c’est du moins l’objectif de la nouvelle direction. Furent également mentionnés le recrutement de nouveaux médecins avec l’aide du CHU de Rouen, et l’amélioration des relations avec les médecins libéraux.

En ce qui concerne plus particulièrement Vernon, la direction a annoncé qu’elle comptait conserver les pôles chirurgie et maternité sur les deux sites :

  • La maternité a procédé à 900 accouchements en 2011, et la direction en prévoit 1000 dans trois ans (2000 pour Evreux). Selon Olivier Brand, cela implique que Vernon conserve ses services de pédiatrie et d’anesthésie, ainsi que son bloc opératoire.
  • La chirurgie, dont l’activité est remontée en 2011, ne fermera pas, Christian Richard parlant sans fard de la proposition évoquée par l’IGAS comme d’une « fausse bonne idée ». Il a cependant ajouté qu’il serait inévitable que chaque hôpital se spécialise8. Il a également évoqué le prix des équipements de pointe, comme le futur robot chirurgical de l’hôpital Cambolle. Pour Olivier Brand, la seule question qui se pose est « Quels types d’activités chirurgicales sur chaque site ? »9.

Le maire de Vernon, qui avait demandé à pouvoir prendre la parole aux voeux de l’hôpital, s’est dit « plutôt content » de l’optimisme de la direction. Il a tenu à rappeler ce qu’il répète depuis deux semaines, à savoir qu’il n’y a « pas de déficit » des hôpitaux français, mais que cela résulte d’un « manque de subventions ». Il a affirmé que la majorité municipale ne « laisserait pas passer » une fermeture des services de chirurgie et de maternité, si jamais cette proposition devait revenir sur la table.

Sur un plan plus concret, en temps que médecin libéral, il a tenu à parler des gros problèmes de secrétariat :« Pourquoi n’a-t-on pas de secrétaire quand on appelle ? […] il faut aussi que l’hôpital réponde au téléphone. » C’est un sujet particulièrement sensible parmi le personnel de l’hôpital, et le seul qui engendra une grogne et des interpellations lors des différents discours des voeux10. A Évreux, il y a consensus sur la cause : d’énormes problèmes à cause de l’organisation en centre d’appel. Pour Vernon, les syndicats et le comité de défense de l’hôpital pointent le non-renouvellement des départs en retraite.


Des réactions contrastées face aux discours de la direction

Maryse Juvigny, membre de l’intersyndicale et déléguée CGT, reconnaît comme « un bon point » la volonté affichée de la direction de conserver la maternité et la chirurgie à Vernon. Elle rappelle cependant que « le langage a changé » chez Olivier Brand depuis le conseil municipal extraordinaire d’il y a dix jours, ce qu’elle attribue aux actions qui ont eu lieu depuis deux semaines. Elle appelle donc le personnel et la population à « rester mobilisés ».

Le président du comité de défense de l’hôpital, Jean-Claude Nicaise, parle d’un discours qui a « un peu changé », et estime que la mobilisation contre les « ballons-sondes » de l’IGAS en est responsable. Il avertit également la direction :

On ne laissera pas faire si l’orientation stratégique devait changer et remettre en cause le plateau technique, tout comme un fontionnement 24 heures sur 24 de l’ensemble des services à Vernon.

Emmanuel Colletis, élu communiste et radiologue à l’hôpital, s’est montré, à titre personnel, nettement plus pessimiste. S’il considère comme une « annonce favorable » le maintien de la maternité, il reste très circonspect devant les annonces sur la chirurgie. La spécialisation lui semble un argument invalide, si des actes d’hopital de proximité devaient disparaître à Vernon : « Pas besoin de robots pour opérer une appendicite ».

Surtout, il note que la direction n’écarte pas la suppression de lignes de gardes : cela signifierait la fermeture de services à certaines heures, ce qui pourrait mettre en difficulté les urgences. Enfin, il fait remarquer que malgré « les reculs » de ce soir, l’orientation pour Vernon « est claire » vers un hôpital incomplet. Il donne pour argument le fait que les seuls services que la direction veut renforcer sont la gériatrie et l’hémodialyse.

Tous les interlocuteurs croisés hier, à la manifestation comme aux voeux, se sont montrés dans l’attente de l’annonce par Olivier Brand du plan de restructuration de l’hôpital, dans une dizaine de jours. L’intersyndicale projette, d’ici là, de distribuer des tracts au personnel hospitalier et de prendre la parole aux voeux du site de Cambolle. Le directeur, ce lundi, aura néanmoins tenu à dissiper les doutes qui entouraient certains services de l’hôpital de Vernon11.

  1. Cela représente presque 30 % des 703 salariés du site de Vernon
  2. Et pour lequel on ne dispose plus de date de sortie, cette dernière ayant été repoussée à deux reprises. Jean-Luc Miraux, qui pointait il y a une semaine le fait que ce rapport ne sortirait probablement pas avant les élections présidentielles, a pour le moment raison.
  3. Ainsi, 20 % des postes de médecins sont vacants, et 20 % des médecins hospitaliers habitent en région parisienne, tant à Vernon qu’à Evreux. Pour sa part, Olivier Brand évoquera le terme de « médecins mercenaires », ajoutant qu’il ne fallait plus « prendre le premier médecin venu » lorsqu’un poste devient vacant. C’est une remarque que le maire de Vernon, médecin généraliste, avait également fait la semaine dernière en conférence de presse.
  4. Aujourd’hui, après la réforme HPST, le pouvoir institutionnel des hommes politiques locaux sur les hôpitaux a disparu. Ce qui ne permet pas aux successeurs de ceux qui ont décidé à l’époque de revenir en arrière ou de bloquer le processus…
  5. Le maire de Vernon avait, lui, parlé de « ballons d’essai » il y a dix jours.
  6. La situation pourrait être différente si la commission du déficit hospitalier s’en mêlait.
  7. Emmanuel Colletis fera remarquer, à raison, que les activités que le directeur compte développer à Vernon sont des activités de dispensaire plus que des activités d’hôpital complet. Le directeur, lui, considère qu’une activité comme l’hémodialyse est « porteuse d’avenir » pour l’hôpital.
  8. Notamment en raison de la prochaine réforme des seuils d’activité médicale pour conserver sa licence. Ces seuils ne seront plus globaux, mais comptabilisés par chirurgien et par type d’opération. Ce qui pose problème pour les sites de taille moyenne, comme Saint-Louis et Cambolle.
  9. Question à laquelle il répondra probablement à la réunion qu’il a organisé en vue de la restructuration.
  10. Maryse Juvigny, membre de l’intersyndicale, pointera après les discours l’incohérence à ses yeux de vouloir ouvrir le service d’hémodialyse 6 jours par semaine au lieu de trois, alors que celui-ci manquerait déjà de secrétaires.
  11. Un seul point est resté en suspens lors de ces voeux, celui d’éventuelles réductions de personnel au centre hospitalier.