Vernon Politique

Le FN fait mairie comble à Gasny

EdNonrev

Jean-Michel Dubois, conseiller régional de Haute-Normandie et candidat du Front National aux législatives dans la cinquième circonscription de l’Eure (Vernon – Les Andelys – Gisors), tenait jeudi dernier une réunion publique à la mairie de Gasny. Lors de cette réunion plutôt studieuse, 32 militants et sympathisants, quasiment tous masculins, étaient venus l’écouter et lui poser des questions relatives au programme politique et économique du Front National1.

Le candidat, lors de cette réunion, et face à la colère des militants, a vilipendé les partis de gauche et d’extrême-gauche venus protester cette semaine lors du meeting départemental du FN, allant jusqu’à les qualifier de “vrais collabos” durant la seconde guerre mondiale. Il a défendu, à l’inverse, l’aspect républicain du FN :

Ce qu’ils font n’est pas bien, nous, on le fait démocratiquement, on se bat à travers les élections, on n’est pas des révolutionnaires. On a décidé de se battre dans la légalité. Nous, on ne va jamais manifester quand tel ou tel parti fait un meeting.

Jean-Michel Dubois a sinon longuement parlé du programme de son parti. Ainsi, il est en faveur de la (re)nationalisation des réseaux d’eau, d’électricité et de gaz ou du service postal, en particulier compte tenu de la désertification des campagnes. En parallèle, il estime que les salariés des entreprises publiques et les fonctionnaires ne devraient pas avoir le droit de faire grève :

Si on est dans le public, on est au serice du public, on est payé, on a la garantie de l’emploi et un salaire, peut-être pas assez, mais à ce moment-là on va dans le privé.

Le candidat Front National s’est également exprimé contre tout engagement politique des policiers. Il a finalement pesté, avec les militants, contre les syndicats français. Lui préfèrerait un système à l’allemande, où les syndicats “défendent les salariés et l’entreprise” :

Qu’il y ait le droit de grève [NdA : dans le privé], je suis d’accord, mais il y a aussi la liberté des autres.

Il s’est prononcé contre les communautés de communes, qui serviraient “à engraisser les politiques”, et qui pour lui aboutissent à supprimer le service public en zone rurale pour le renforcer en zone urbaine. Cette opposition entre villes et campagnes reviendra d’ailleurs plusieurs fois dans son discours. Il préfère ainsi, pour éviter ce qu’il estime être la captation des impôts des zones rurales au profit des zones urbaines, des collaborations non-obligatoires entre communes, qui se feraient au coup par coup, et non le système actuel, qui oblige à la formation de communautés de communes ou d’agglomération.

Pour des raisons sensiblements identiques, il se prononce pour une Europe politique qui collaborerait sur des projets, comme Ariane ou Airbus. Mais contre l’intégration européenne actuelle, et ses règles “qui ne peuvent que conduire à la catastrophe”. Sortir de l’Union permettrait ainsi de rétablir des droits de douane nationaux, car “c’est ce que nous avions et ça marchait bien”.

Concernant l’emploi, l’objectif du Front National, pour faire augmenter les salaires et baisser le chômage, est de supprimer totalement l’immigration, légale comme illégale. Sans immigration, pour Jean-Michel Dubois, “ça irait nettement mieux”. Pourquoi ? Parce que ces métiers manuels seraient victimes d’un “dumping social” de la part des patrons qui embauchent des travailleurs clandestins :

J’étais à la CGPME, c’est le patronat qui fait venir des clandestins, qu’on va payer nettement moins pour avoir une meilleure rentabilité. Les gros groupes, eux, ont les mains propres car ils font faire le sale boulot par leurs sous-traitants qui prennent des gens sans-papiers. 2

Cela permettrait également pour le candidat de “revaloriser le travail manuel, plus important que le travail dit intellectuel”. Le candidat semble d’ailleurs ignorer complètement dans son discours les secteurs “non-manuels” de l’économie française, pourtant aujourd’hui majoritaires dans l’emploi français. Lui se concentre presque exclusivement sur les artisans et leurs salariés, le travail en usine et l’agriculture, des domaines par ailleurs largement représentés dans la cinquième circonscription.

Sur un plan plus politique, lorsqu’un adhérent a demandé à Jean-Michel Dubois pourquoi son parti délaissait les élections locales depuis toujours, le candidat a parlé d’une stratégie de Jean-Marie Le Pen, qui “n’a jamais tenu à l’implantation locale”. Selon lui, “Marine Le Pen est plus partante” pour une présence politique locale forte3. A titre personnel, le candidat estime que “c’est effectivement la base” de la conquète du pouvoir politique :

Si on est implanté au niveau local on se fait apprécier, on est même à la limite plus sympas que les autres. On arrive à se faire connaître, et dans certaines municipalités, à force, les élus prennent une respectabilité politique, puis peuvent former la base.

En ce qui concerne la cinquième circonscription, Jean-Michel Dubois souhaite idéalement un duel avec Jérôme Bourlet, car il compte sur des reports de voix de l’UMP en sa faveur au second tour. Mais il se contenterait d’une triangulaire, avec Franck Gilard et un candidat socialiste. Dans ces situations, il estime que sa candidature aurait “peut-être une chance” d’aboutir, alors que si c’est un duel avec le député UMP sortant, il est “évident” que la gauche voterait pour Franck Gilard.

La réunion s’est terminée sur une déclaration pour le moins intéressante à propos du nombre d’élus FN, et de la nécessité ou non d’adoucir le discours de son parti pour conclure des accords électoraux avec l’UMP. Le candidat ne fait pas mystère du fait que l’introduction de la proportionnelle éliminerait cette question.

Surtout, Jean-Michel Dubois a expliqué que cette question importait peu pour lui et le Front National, pour peu que leurs idées s’imposent dans le débat politique du pays :

Continuons le combat, même si on a déjà un peu gagné avec la récupération de nos thèmes par Sarkozy. On aura gagné quand la politique qu’on propose sera en place dans ce pays. Si ce sont les socialistes qui mettent en place notre programme, je considèrerai qu’on aura gagné.

  1. A titre de comparaison, Carl Lang, candidat du parti de la France, était présent au même endroit le lendemain, et réunissait cinq personnes.
  2. Jean-Michel Dubois, s’il n’en a pas parlé, semble donc estimer que les règles actuelles du droit du travail, actuellement peu appliquées par manque d’inspecteurs, n’ont pas d’utilité pour supprimer ces comportements frauduleux.
  3. Ce qui peut sembler surprenant lorsqu’on écoute Carl Lang, le candidat du Parti de la France dans la circonscription. En effet, lui comme Bernard Touchagues disent être partis (ou s’être fait exclure) du FN en 2008 entre autres à cause de cette stratégie du tout-national.