Cela faisait plusieurs mois que l’information circulait dans le microcosme politique vernonnais, sans jamais se concrétiser. Caméra Diagonale l’avait révélé en exclusivité il y a peu.
Jean-Claude Mary et Marie-Christine Chauffeteau, respectivement adjoints à l’environnement et à la culture et aux sports pour le groupe Vernon Défis, ont envoyé leur double démission à la mairie de Vernon (et au préfet, comme la loi les y oblige).
Ils restent cependant conseillers municipaux, écologistes indépendants, et tentent de préparer une nouvelle liste pour les élections municipales de 2014. Les deux élus ont organisé, lundi dernier, une conférence de presse pour s’expliquer.
Déjà, au mois d’octobre, les rumeurs de démission de Marie-Christine Chauffeteau s’étaient faites très insistantes. Ce qu’elle a confirmé lundi, affirmant que le maire lui avait alors demandé « de réfléchir » pour « mettre à plat les points de discorde ».
Le 22 janvier, une réunion politique de la dernière chance a eu lieu entre le maire et ses alliés communistes et écologistes. Jean-Claude Mary affirme qu’il a « proposé qu’on échange » pour sauver la situation : le maire lui aurait alors répondu « la négociation est toujours possible ».
Le responsable de Vernon Défis estime que cette réponse est celle d’une « négociation militaire et marchande entre partis dans le cadre d’un rapport de force ». Alors que lui voulait « un échange dans le cadre d’un travail en équipe ».
Pour Jean-Claude Mary, cette dernière conversation entre alliés politiques a représenté, finalement, ce qu’il reproche depuis plusieurs années au maire de Vernon. Cette démission se fait donc, selon lui, d’abord pour des questions « de gouvernance » : le manque d’écoute supposé du maire et de son premier adjoint, ainsi qu’un processus décisionnel dont il serait totalement exclu1.
Cependant, cette double démission aurait été déclenchée par trois dossiers très spécifiques, qu’ils décrivent comme « une série de maladresses » :
Il y a la dégradation des relations avec la presse locale, et un refus de délivrer des documents du budget assez aberrant2. Ainsi que la mise au placard de la directrice de la communication, après des attitudes managériales assez cruelles avec les chefs de services. Et l’affaire SCP, qui nous fait sombrer dans le ridicule. C’est une société de communication avec qui le maire a passé un contrat, toujours pas révélé devant le conseil municipal, et qui est chargée de valoriser l’image du maire en vue des élections de 2014.
Marie-Christine Chauffeteau justifie une démission peut-être un peu tardive en affirmant qu’elle « s’est rendue compte ces derniers mois » qu’elle n’était « plus en mesure » de faire le lien entre les associations et la municipalité. Jean-Claude Mary, lui, estime qu’on ne peut que lui reprocher « d’avoir essayé d’améliorer le fonctionnement de la machine », de « guérir l’équipe de sa maladie de sectarisme »3.
Par ailleurs, les deux élus affirment ne pas regretter cette expérience4. Et ils se montrent fier d’avoir mis en place des choses « qui ne l’auraient sans doute pas été avec Monsieur Miraux ». Comme la création du groupe scolaire des Douers. Ou « le zéro pesticide » dans la ville : un des rares points, selon l’élu, sur lesquels « le maire a tenu parole »5.
Reste l’épineux point du vote du dernier budget par les deux adjoints, en décembre, malgré un discours incendiaire lors du conseil municipal. Marie-Christine Chauffeteau affirme que le budget leur « convenait », avec un accord sur « les grands projets ». Jean-Claude Mary affirme qu’ils se sont « posé la question de s’abstenir », et se dit que « ce fut peut-être une erreur tactique vis-à-vis de l’électeur ».
Redevenus simples conseillers municipaux, les deux adjoints affirment qu’ils sont maintenant « totalement libres ». Et reconnaissent l’obligation passée de « se plier à la loi de la majorité » en public. Les socialistes sont prévenus : les écologistes ne voteront plus des projets avec lesquels ils seront en désaccord.
Questionné sur la démission de ses deux adjoints écologistes, le maire a répondu qu’il en parlerait « quand elle sera effective ». Il attend donc sa validation par la préfecture. Jean-Claude Mary est également délégué à la CAPE, où il est vice-président chargé de l’environnement. À la question de savoir s’il tenterait de faire voter par le conseil municipal le retrait de cette délégation, Philippe Nguyen Thanh estime que « cela demande réflexion »6.
L’autre mystère concerne les deux postes d’adjoints. Les deux autres élus écologistes, Jérôme Bultel et Maryse Avice, n’accepteront pas de remplir ce rôle, à en croire les deux démissionnaires7. Jean-Claude Mary semblait penser lundi que ces deux postes resteraient non pourvus jusqu’aux élections. Cela serait problématique pour les associations vernonnaises, qui n’auraient alors plus d’interlocuteur officiel à la mairie…
Une nouvelle liste écologiste indépendante en 2014 ?
Jean-Claude Mary travaille actuellement, en vue des élections municipales de 2014, à une nouvelle liste issue de la société civile, « de type citoyenne ». Cependant, il ne peut pas dire pour le moment « si ça se fera ou non »8.
Si cette liste « citoyenne » n’existe pas encore, Jean-Claude Mary se dit « vacciné » contre une nouvelle alliance avec les socialistes actuellement à la tête de la mairie. Il affirme « envisageable » un accord avec les communistes, tout en admettant « des désaccords très importants »9.
Le responsable des écologistes indépendants précise qu’il sera toujours prêt à être « une force de proposition » si la liste possède des élus après 2014, quelle que soit la future majorité municipale.
Il parle brièvement de Sébastien Lecornu, le président de Générations Vernon : « Il est gentil, mais c’est vraiment le clone UMP ». Il se demande également si l’attitude « d’ouverture et d’écoute » affichée aujourd’hui par l’ancien maire Jean-Luc Miraux reflète un réel changement intérieur10.
Mise à jour, 30 janvier : l’avis de Jean-Luc Lecomte (adjoint à l’urbanisme, PCF)
Allié aux socialistes depuis 2008, comme les écologistes, Jean-Luc Lecomte assure que le groupe communiste refusera les deux postes d’adjoints laissés vacants par la démission de Jean-Claude Mary et de Marie-Christine Chauffeteau : « Nous ne revendiquerons pas les postes laissés vacants ».
Par contre, l’adjoint à l’urbanisme informe ce journal que plusieurs délégations lui ont été retirées il y a quelques semaines par le maire de Vernon. Et qu’il ne s’opposerait pas à ce que Philippe Nguyen Thanh les lui rende :
Il a le droit de me restituer les délégations qu’il m’a retirées sans même m’en aviser. Il m’a retiré la délégation des espaces verts pour la donner à Jean-Claude Mary, ce qui était légitime, même si on pouvait la partager. Je veux bien la récupérer, maintenant qu’il n’est plus adjoint. Il m’a surtout pris les délégations me permettant de prendre des arrêtés de circulation et de stationnement, pour les donner à Gabriel Sino [NdA : adjoint PS chargé de la vie citoyenne, de la tranquillité publique et des nouvelles technologies].
Jean-Luc Lecomte ne veut donc pas des postes des élus écologistes, mais « le respect de l’accord initial ». S’il affirme que les élus communistes « souffrent autant de la situation » que les adjoints démissionnaires, il refuse cependant toute idée de démission pour l’instant :
Tant qu’on tiendra le coup, on restera. Nos électeurs souhaitent qu’on reste là, et qu’on ne les laisse pas tout seuls.
Enfin, il continue de promouvoir l’idée d’une liste « très au-delà du Parti Communiste et du Parti de Gauche » pour les élections municipales de 2014. Une liste qui se ferait « sur un programme municipal répondant à des valeurs partagées ». Sa proposition, déjà sur la table depuis quelque temps, d’une nouvelle alliance entre écologistes, communistes et certains socialistes (sauf le maire et ses deux ou trois premiers adjoints), « reste valable et ouverte ». Même s’il déclare, à cause des propos tenus ce lundi par Marie-Christine Chauffeteau et Jean-Claude Mary, avoir aujourd’hui « des doutes » concernant les écologistes indépendants.
Aller plus loin
Article et vidéo de Caméra Diagonale : Vernon, deux adjoints au maire ont donné leur démission
Article et vidéo du Démocrate Vernonnais : Vernon : les écolos démissionnent
- Il affirme ainsi : « Nous n’avons jamais trouvé notre place dans cette équipe. On pense même qu’il faudrait laisser une place à l’opposition dans le processus de décision. Cette absence est ce que nous reprochions d’ailleurs à Jean-Luc Miraux. L’opposition dit parfois des choses intelligentes. »
- À la décharge de la mairie de Vernon, les budgets antérieurs à 2011 n’existaient que sous forme papier, créant un délai important suite à ma demande d’une transmission sous forme électronique.
À sa charge, je n’ai toujours reçu aucun des documents demandés, y compris ceux qui existaient déjà en version électronique, tel que le budget prévisionnel 2012.
Mise à jour, 30 janvier : la mairie de Vernon m’a transmis tous les documents demandés (donc un délai d’une vingtaine de jours). - Il dément également l’idée d’une démission stratégique : « On ne sait même pas ce qu’on fera dans un an, on a atteint la limite, c’est tout ».
- Jean-Claude Mary a affirmé qu’il avait appris « beaucoup de choses », à travers ce qu’il décrit comme « une ethno-sociologie d’un corps particulier ».
- Même s’il regrette que la majorité n’ait pas donné « quelques moyens supplémentaires aux espaces verts et à la voirie » pour le désherbage manuel, « plutôt que d’augmenter nos indemnités d’adjoints et la communication ».
- Pas sûr, toutefois, que les socialistes puissent réunir une majorité pour retirer sa délégation à l’élu écologiste…
- Jérôme Bultel était adjoint, avant de démissionner pour des raisons personnelles et de gouvernance au printemps 2011.
- Cette liste hypothétique se ferait avec des citoyens qui auraient « le souhait d’une société décentralisée avec plus d’initiative citoyenne ». L’élu de Vernon a parlé de « gens qui ont des idées sur le nouveau cycle dans lequel on rentre », à côté desquels « les partis politiques semblent très sclérosés ». Des gens qui, chefs d’entreprise ou agriculteurs, « font des choses très concrètes » pour l’environnement, mais « ont du mal à mettre le doigt dans le système politique ». Jean-Claude Mary admet d’ailleurs que la participation de Vernon Défis, qui était déjà une liste « citoyenne », à la majorité municipale, « n’est pas faite pour les rassurer ».
- Marie-Christine Chauffeteau, elle, dit qu’elle « espère pouvoir continuer à penser » qu’une alliance entre écologistes, communistes et socialistes peut fonctionner. Dans tous les cas, Jean-Claude Mary affirme qu’on ne l’y reprendra plus à oublier « le type de fonctionnement » de la majorité dans un futur accord, qui ne porterait donc pas uniquement sur des points de programme mais aussi sur la gouvernance. Et l’élu de citer Gandhi : « Les fins sont dans les moyens ».
- Il dit à ce propos : « Il m’a dit qu’il avait réellement changé, c’est vrai que ça arrive parfois quand on se prend une grande claque. Je n’ai pas assez de certitudes pour assurer que je pourrai travailler avec lui ».