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Saint-Marcel, son eau riche en fluor, sa restriction de consommation aux moins de 12 ans

EdNonrev

Depuis octobre 2011, l’eau distribuée au centre-ville et dans la partie haute de Saint-Marcel, ainsi qu’à la Cité Manuca et le long de la D6015 à Saint-Just, est particulièrement riche en fluor (ou fluorures). Si riche que les limites autorisées par l’Agence Régionale de Santé (ARS) sont régulièrement dépassées.

 

En conséquence, l’eau délivrée aux habitants par la communauté d’agglomération (CAPE) est sous le coup d’une “restriction de consommation” pour les enfants de moins de douze ans. Les noms des “lieux de production” concernés, visibles sur la facture d’eau, sont Saint-Marcel Cabottières, Saint-Marcel Fosses Rouges, et Saint-Marcel La Plaine.

 

Depuis février 2013, cette restriction est accompagnée d’une dérogation de trois ans envoyée par la préfecture de l’Eure. La CAPE comme Saint-Marcel n’ont, pas respecté, selon mes informations, toutes les obligations légales d’information aux habitants.

 

Par ailleurs, les deux collectivités dirigées par Gérard Volpatti (UMP) n’ont pas été plus loin, ce que les habitants pourraient voir comme insuffisant. Elles n’ont ni publié d’article d’information dans leurs magazines, ni arrêté la distribution de cette eau très fluorée dans les établissements scolaires Saint-Marcellois. Aujourd’hui, la CAPE a publié un communiqué de presse réfutant tout manquement.

L’eau de l’Albien, traditionnellement riche en fluorures

 

La nappe phréatique de l'Albien | Source : mairie de Paris

La nappe phréatique de l’Albien | Source : mairie de Paris

 

La nappe phréatique de l’Albien s’étend sur des centaines de kilomètres carrés autour de Paris. Si elle se trouve très profondément sous Paris, qui dispose de trois fontaines publiques s’y approvisionnant, elle affleure à Saint-Marcel.

 

Ce qui explique qu’elle soit utilisée pour la production d’eau potable dans la ville. La moyenne des taux de fluor des zones de distribution dont l’eau est pompée dans l’Albien en 2012 s’est échelonnée de 1,47 à 1,55 mg/L (limite légale de 1,50 mg/L).

 

Cette concentration élevée en fluorures, par endroits et par moments, dans l’eau de l’Albien, est bien connue, et causée par le calcaire qui entoure la nappe. Ce n’est d’ailleurs pas considéré par l’ARS comme une pollution proprement dite. Cette richesse naturelle en fluor se retrouve également, parfois de manière très importante, dans une partie des eaux en bouteille, comme la Saint-Yorre1.

 

 

 


 

Le fluor, bénéfique à faible dose, toxique à haute dose, les enfants premiers concernés

 

Le fluor est indispensable à une bonne minéralisation de l’émail dentaire, qui permet de réduire la prédominance des caries. C’est pourquoi il est donné aux enfants là où l’eau de boisson n’en contient pas du tout, et qu’une bonne partie des dentifrices et des sels de table sont fluorés.

 

Cependant, à plus haute dose, cet élément bénéfique peut entraîner une fluorose dentaire, qui se traduit visuellement par des taches sur l’émail2.

 

Aujourd’hui très rare en France, la fluorose dentaire était plus répandue il y a quelques dizaines d’années, quand dentistes et médecins avaient pour habitude de donner systématiquement des comprimés de fluor aux enfants.

 

 

 


 

Fluor et eau du robinet, les dentistes rassurants…

 

Chez les dentistes, le ton se veut plutôt rassurant vis-à-vis de la fluorose dentaire. La plupart estiment que l’impact de l’eau du robinet reste minime chez leurs jeunes patients, en dehors des nourrissons. Ils se contentent souvent de pointer la nécessité de ne pas donner de compléments fluorés en pilules si l’eau est naturellement fluorée. Par ailleurs, les dentistes de Vernon et de Saint-Marcel interrogés disent ne pas avoir constaté de présence particulière de fluorose dentaire chez les enfants Saint-Marcellois.

 

Certains dentistes expliquent cependant qu’un décalage de plusieurs années est systématique entre le moment où la fluorose se déclenche et celui où elle est visible. Par exemple, un enfant de deux ans qui verrait ses molaires définitives atteintes ne serait détecté que plusieurs années après… car encore en formation, invisibles, ces dents fluorosées ne sortiront qu’aux six ans de l’enfant.

 

Une fluorose de faible intensité ne sera pas non plus forcément diagnostiquée par les dentistes, seuls les stades les plus avancés se traduisant par des taches très visibles. La fluorose dentaire s’accompagne fréquemment de lésions gingivales et alvéolaires, mais n’a pas d’autre effet néfaste connu sur l’organisme.

 

 

 


 

…et l’ANSES (beaucoup) plus alarmiste

 

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES, ex-AFSSA) se montre nettement plus prudente que les dentistes dans ses affirmations à propos de l’eau potable. L’organisation mondiale de la santé (OMS), comme l’ANSES et l’Union Européenne, recommande un taux maximal de 1,50 mg/L dans l’eau du robinet.

 

Selon l’ANSES, qui cite l’OMS, “la fluorose dentaire apparaît à des concentrations de l’ordre de 1,5-2 mg/L d’eau” dans l’eau :

  • Pour les nourrissons jusqu’à trois ans, “l’ingestion d’eau présentant des teneurs en fluorures de 1,5 mg/L entraîne un dépassement de la limite de sécurité”.
  • Pour les enfants de moins de neuf ans, ” les doses apportées par une eau dont la teneur en fluorures est proche de la limite de qualité (1,5 mg/L) sont de l’ordre ou supérieures à la limite de sécurité”.
  • Pour les adultes, en-dessous de 2 mg/L, et même avec les autres apports (dentifrice, sel), il n’y a pas de dépassement de l’apport journalier tolérable de l’OMS (6 mg/jour).

 

En ce qui concerne la durée d’exposition à une eau dépassant la limite autorisée aux fluorures, l’ANSES écrit : “une exposition courte, même inférieure à trois mois, peut avoir un effet durable si elle a lieu pendant la période de minéralisation des bourgeons dentaires chez l’enfant”.

 

 

 


 

Les recommandations de l’ARS et de l’ANSES aux Saint-Marcellois

 

Les recommandations de l’ANSES aux habitants concernés par une eau très fluorée :

  • Les adultes ne doivent pas prendre de compléments fluorés, et il n’est pas nécessaire de consommer du sel fluoré.
  • Une eau en bouteille peu fluorée est indispensable pour les enfants jusqu’à trois ans.
  • De 3 à 12 ans, il est préférable que l’eau du robinet ne représente pas plus de la moitié de la quantité d’eau consommée quotidiennement.
  • Dans tous les cas, cela ne concerne que la consommation d’eau de boisson, pas son usage pour se laver, se brosser les dents, laver le linge ou la vaisselle, la cuisson, etc.
  • Il est conseillé de se renseigner auprès de votre médecin si vous êtes concerné par une eau fluorée au-delà de la limite légale. L’absence totale de fluor est aussi dommageable pour l’homme que sa présence excessive.

Écoles de Saint-Marcel, la restriction de consommation pas appliquée

 

Les personnels des écoles du centre-ville, n’étaient, vendredi dernier, toujours pas au courant de la présence d’un taux élevé de fluor dans l’eau, ou des restrictions de consommation pour les enfants. Ces derniers boivent de l’eau du robinet dans ces établissements.

 

D’après Delphine Julien, responsable de la cellule eau potable à l’ARS de Haute-Normandie, la CAPE a seulement une “obligation d’information” des parents. Imposer l’eau en bouteille dans les établissements publics n’est fait par l’ARS qu’en cas de “crise sanitaire de courte durée”, pour des bactéries par exemple.

 

Cependant, si ce n’est “pas imposé directement” par l’arrêté préfectoral, Delphine Julien estime que compte tenu de “la période de trois ans” pendant laquelle le taux de fluor pourra être au-delà de la limite légale, l’ARS “encouragerait à ce que la collectivité fasse ça”.

 

 

 


 

La CAPE répond par un communiqué de presse

 

Aujourd’hui, la CAPE a publié un communiqué de presse sur le sujet (voir ci-dessous). Elle explique qu’ “à la suite d’un contrôle en décembre dernier” où le seuil avait été dépassé, la CAPE, “extrêmement soucieuse de ses usagers”, a “aussitôt” agi.

 

C’est une vision des faits particulière, alors que des dépassements réguliers de la limite du taux de fluorures sont observés depuis octobre 2011. De plus, la CAPE n’a pas, contrairement à ce qu’elle dit, mis “tout en oeuvre” pour respecter les recommandations de l’ARS, en particulier vis-à-vis de l’information de tous les habitants de la commune : seuls les abonnés recevant chez eux l’eau des captages fluorés l’ont été.

 

Enfin, il est écrit dans que “la mairie de Saint-Marcel a également répercuté les recommandations de l’ARS dans les cantines scolaires”. L’encadrement des établissements du centre-ville m’a assuré que les enfants buvaient de l’eau du robinet à la cantine8

 

S’il est vrai qu’une démarche a récemment été entreprise pour de la fourniture d’eau en bouteille, elle se produit plus d’un an après les premières restrictions de consommation, et quatre mois après l’arrêté préfectoral.