Vernon Politique

Logements sociaux au square Benjamin Pied, les riverains s’opposent et proposent

EdNonrev

Cela fait maintenant plusieurs mois qu’est connue l’intention de la mairie de Vernon envers le square Benjamin Pied, qu’elle avait elle-même fermé. Dans le cadre de la rénovation du quartier des Boutardes, elle doit remplacer chaque logement détruit par un logement neuf, et a choisi, entre autres, deux parcelles dont celle du square, qu’elle possède près de l’hôpital.

Eure Habitat doit y construire une dizaine de logements, sur ce terrain municipal qui lui est vendu pour 130 000 euros. Sauf que. Les riverains du projets, artisans, commerçants, médecins hospitaliers ou simples habitants, s’opposent au projet municipal, notamment pour des motifs urbanistiques.

L’endroit leur semble en effet stratégique, et leur opposition s’accompagne d’un certain nombre de propositions pour le square, et plus largement pour l’îlot Benjamin Pied et ses alentours.

Tourisme, économie, stationnement : tels sont les thèmes qui furent abordés à la réunion publique organisée le mois dernier, en présence d’une bonne partie des hommes et femmes politiques de Vernon. Retour sur une opposition qui compte bien avoir raison des volontés socialiste et communiste…

Sommaire :

  1. L’association et ses propositions
  2. Un petit air de conseil municipal
  3. Ce qui n’a pas été dit à la réunion

L’association et ses propositions

Au départ simple collectif, c’est depuis le 23 avril une association qui fait face à la mairie de Vernon. Ses membres ne sont pas n’importe quels Vernonnais : on y retrouve nombre de figures de la société civile de la ville1. Son président ? Joël Guérin, également président de l’association l’Outil en main de Vernon, ébéniste et restaurateur de meubles et œuvres anciennes, à l’image de son récent travail à Giverny, sur les meubles de la chambre de Monet.

La réunion a commencé par une brève présentation de l’histoire de “l’îlot” Benjamin Pied, Joël Guérin parlant d’une “volonté qui paraissait tout à fait logique” des maires successifs, depuis 1974, vis-à-vis de cet espace qui va de la place de Paris à l’hôpital. En 2000, la dernière parcelle rachetée devait permettre d’étendre le square :

Benjamin Pied : l’extension du square votée en 2000 par le #CMVernon. Et 13 ans plus tard… j.mp/10mVFs3 twitter.com/GVernon27/stat…

— Générations Vernon (@GVernon27) 24 mai 2013

Le président de la nouvelle association estime qu’en cédant à Eure Habitat les parcelles municipales, la mairie “se coupe les deux bras”, car elle “se prive d’avoir une réflexion globale”. Il précise également ne pas être “dans une objection totale aux logements sociaux”.

Chacun des membres va ensuite présenter idées et propositions, dans le cadre d’une “réflexion globale” pour cet endroit :

  • Tous regrettent la perte du square Benjamin Pied, qui a été gardienné ces dernières années par Joël Guérin lui-même. Médecin et directrice de la maison de retraite considèrent inenvisageable pour leurs patients et résidents de se rendre jusqu’à la Seine. Eddie Boitheauville propose la création de jardins à thèmes dans l’ex-square où ses enfants “ont joué” lorsqu’ils étaient petits2.
  • Certains proposent de s’organiser pour exploiter le patrimoine représenté par la chapelle adjacente et les tableaux et sculptures qu’elle contient, notamment en permettant des visites, voire en en faisant une annexe du musée3.
  • L’ensemble des commerçants, ainsi que Jérôme Bultel4, estiment que le stationnement est un enjeu important, vis-à-vis de l’hôpital et de ses employés, qui disposent de places en nombre insuffisant, mais aussi pour les commerces, la place de Paris étant un des rares “lieux de vie après 20 heures” à Vernon.

Un petit air de conseil municipal

L’atmosphère de cette réunion était assez particulière. Sur la petite trentaine de présents, on comptait presque plus de conseillers municipaux que de citoyens5 : les écologistes, les communistes, l’ancien maire Jean-Luc Miraux et d’autres étaient ainsi présents. Chacun ou presque a d’ailleurs pris la parole après les membres de l’association.

Jean-Luc Lecomte, élu communiste et adjoint à l’urbanisme, rappelant qu’il “ne parlait pas au nom du maire de Vernon”, a écouté attentivement, même si un demi-sourire égayait parfois son visage lorsque Joël Guérin et les autres proposaient de grands projets. Prenant la parole, il a commencé par suggérer de “travailler avec la mairie” pour faire avancer ces propositions.

Il a estimé qu’on “ne va pas pouvoir tout faire” sur cet espace municipal de quelques centaines de mètres carrés. S’il a admis qu’il était possible de “remettre en état” le square, il a rappelé que “la désaffectation était en vue d’autres projets”6. Avant de faire un plaidoyer non pour la mixité sociale, mais pour la “densification” de Vernon qui se traduit par “la volonté de construire en centre-ville”.

Jean-Luc Lecomte a également affirmé qu’il n’y aurait “pas de marche arrière” concernant la vente de ces parcelles municipales à Eure Habitat. Avant de se montrer plus conciliant, car “Eure Habitat ne semble pas pressé” de construire, ce qui permettrait de pousser le bailleur social à “une démarche beaucoup plus participative” pour l’architecture du futur bâtiment.

Jean-Luc Miraux lui a succédé au micro, sous forme d’une véritable douche froide pour l’association. Il s’en est pris très directement à ce que venait de dire l’élu communiste, malgré sa promesse de ne “pas polémiquer”. Il a rappelé que Jean-Luc Lecomte avait voté la vente des terrains à Eure Habitat en conseil municipal, et parlé de “rideau de fumée” de la part de la mairie.

Il a estimé que si le bailleur social dépose un permis demain, il serait “intouchable”. Avant de confirmer ce que disait Jean-Luc Lecomte : “la seule marge de négociation est de discuter avec Eure Habitat”.

L’ancien maire s’est ensuite étendu en longueur sur le nombre de logements sociaux dans la ville, avant de rappeler à Jean-Luc Lecomte les cuisants revers que ce dernier connaît depuis 2008 avec les logements sociaux rue Adolphe Vard, dont les travaux ne sont toujours pas commencés.


Ce qui n’a pas été dit à la réunion

L’association juste constituée s’est montrée plutôt conciliante lors de la réunion, disant espérer que la majorité municipale change d’avis suite à ses propositions. Mais elle n’a cependant aucune intention de laisser passer ce projet si la mairie de Vernon ne le modifie pas.

Ainsi, les discussions vont bon train avec au moins un autre collectif vernonnais de riverains ayant réussi à repousser la construction de logements sociaux. Eure Habitat et la mairie de Vernon peuvent d’ors et déjà s’attendre à des recours en justice, en particulier lorsqu’un permis de construire sera déposé7.

Du côté de la mairie, Philippe Nguyen Thanh s’est montré très clair en conseil municipal. Il s’est appuyé sur l’obligation de reconstruction à neuf pour toucher les subventions de l’ANRU liées à la rénovation du quartier des Boutardes, et le fait que les délais ne pourraient être tenus s’il choisissait de relancer un projet ailleurs.

Le maire ne reviendra donc pas sur sa décision, prise il y a maintenant plus d’un an. Et il semble que la majorité n’ait aucune intention de négocier quoi que ce soit avec l’association présidée par Joël Guérin.


Aller plus loin

Le square et l’îlot Benjamin Pied dans le Petit journal politique de Vernon :

  • Benjamin Pied, illustre Vernonnais (avril 2012)
  • Le square Benjamin Pied supprimé à Vernon (avril 2012)
  • Logements sociaux rue Benjamin Pied : c’est confirmé (novembre 2012)
  • Benjamin Pied, la vente des terrains à Eure Habitat fait débat (mars 2013 – conseil municipal)

Le Démocrate, sur la réunion : Vernon : Ilot Benjamin Pied ou comment attirer les touristes

Paris Normandie, sur la création du collectif : Un patrimoine à sauver à Vernon

Caméra Diagonale, sur la réaction de Bernard Touchagues, conseiller municipal d’opposition (ex-FN, liste L’Union Pour Vernon), lorsqu’il a découvert les projets d’Eure Habitat en décembre dernier : Vernon, un square qui fait débat

  1. Les membres de l’association : Jérôme Bultel, médecin gériatre à l’hôpital Saint-Louis et conseiller municipal écologiste ; Madame Dourville, directrice de la maison de retraite Korian ; Monsieur Noël, propriétaire de l’hôtel Normandy ; Eddy Boitheauville, propriétaire des restaurants Paris-Plage et Le Lagon ; François Cointin, gérant du cinéma-théâtre ; William Tolsma ; Nicole et Geoffroy Versavel ; Mademoiselle Delaporte ; Catherine Guérin.
  2. Un Eddie Boitheauville pas en forme ce soir-là, au point de presque faire un malaise. Il a bien précisé qu’il ne s’exprimait pas au nom de l’UCIAL dont il n’est plus le président. Il sera très bientôt remplacé officiellement, par Madame Chevauché.
  3. Marie-Christine Chauffeteau, encore récemment adjointe écologiste, était présente. D’après elle, “c’est le directeur de l’hôpital qui a décidé” d’interdire les visites, pour des questions de normes de sécurité. La chapelle appartient en effet à l’hôpital de Vernon.
  4. Qui n’a pas réussi à obtenir le soutien ou même un avis de son nouveau directeur, Jean-Yves Autret. Ce dernier lui aurait dit qu’il “n’avait pas d’opinion à donner de la part de l’hôpital”. Et même que “l’hôpital n’a aucune idée et aucun projet” pour ce lieu.
  5. Ils avaient tous été invités par courrier, ainsi que Gilles Gal, le directeur d’Eure Habitat, qui n’est pas venu.
  6. Ce que démentait le maire de Vernon en conseil municipal lors de cette décision de désaffectation, en avril 2012.
  7. C’est souvent à ce moment-là que des failles permettent aux collectifs de riverains d’aller en justice.