Suite à l’article consacré à la tentative d’intimidation du maire de Vernon, Philippe Nguyen Thanh, à l’égard de ce média, les responsables politiques de Vernon ont été contactés. Ils ont tous accepté de commenter cette affaire : qu’ils en soient ici remerciés.
Les réactions sont unanimes : ils soutiennent le Petit journal politique de Vernon, et déplorent ou condamnent l’usage de la menace de procédures judiciaires par le maire. Voici leurs réactions, par ordre de responsabilités politiques. Mais d’abord, un mot de l’impressionnante discrétion des socialistes eurois…
Sommaire:
- Au Parti Socialiste, le silence domine
- Franck Gilard (UMP) : « Une constante au Parti Socialiste »
- Gérard Volpatti (UMP) : « Une atteinte à la liberté d’expression »
- Jean-Luc Lecomte (Parti Communiste) : « Le maire règle des comptes »
- Jean-Claude Mary (Vernon Défis) : « Une faute politique et une faute morale »
- Jean-Luc Miraux (Vernon Réussite) : « Volonté de bâillonner »
- Bernard Touchagues (L’Union pour Vernon) : « Silence radio »
- Sébastien Lecornu (UMP – Générations Vernon) : « C’est pathétique et grotesque »
- Erik Ackermann (Front National) : « Un acte désespéré de censure et d’intimidation »
Au Parti Socialiste, le silence domine
Dès vendredi, j’ai proposé à Jean-Luc Piednoir (premier adjoint, chargé de la communication) et à Philippe Nguyen Thanh un droit de réponse à mon article. Ils n’ont pas répondu à ma proposition.
Mise à jour, 28 janvier:
Jean-Luc Piednoir m’a répondu ce jour. Pour le moment, ni lui, ni le maire, ne souhaitaient exercer de droit de réponse. Il a bien voulu répondre, cependant, à la question de savoir si le courrier signé du maire me demandant « de ne citer aucun nom de fonctionnaire, quel qu’il soit, quelle que soit sa fonction et dans tous vos articles », n’était pas une atteinte à la liberté d’expression :
Je veux relativiser les choses. Il n’y a pas d’interdiction systématique, il y a une loi toute bête qui dit que normalement, on ne cite pas de nom de fonctionnaire, une règle qui s’applique à tout le monde. Quand vous citez des fonctionnaires des services techniques [NdA : dans des articles vieux d’un an], vous ne leur faites pas prendre de position, et vous ne les mettez pas en situation de prendre position : on n’est pas dans le même contexte.
[…]
Je vous le dis et je vous demande de me croire, la directrice des services juridiques et la secrétaire du maire ont été interpellées et choquées, et ont fait un courrier écrit, pour nous dire « on n’a pas dit ça, c’est complètement déformé » [NdA : dans cet article]. Ce courrier [NdA : le premier, signé par le maire], on nous l’a présenté, on n’a rien demandé du tout, ce sont des courriers spontanés. Je n’ai rien à vous dicter, et je pense que vous avez surréagi.
[…]
Il n’y a évidemment aucune atteinte à quelque liberté d’expression que ce soit.
Par ailleurs, Jean-Luc Piednoir affirme qu’ils « auraient agi de la même manière » envers tout autre média.
Le lecteur remarquera que là où Jean-Luc Piednoir m’informe qu’« il n’y a pas d’interdiction systématique » de citation des patronymes des fonctionnaires pour ce journal, le maire écrivait précisément le contraire dans son second courrier1. Une missive dont je suppose qu’elle n’a pas été rédigée par les deux fonctionnaires qu’il implique directement dans la rédaction du premier courrier.
Le nouveau secrétaire de la section PS de Vernon, Arnaud-Rodrigue Adonon, joint par téléphone, m’a indiqué qu’il souhaitait réagir à cette affaire. Il n’avait cependant pas le temps de le faire dans les délais de parution de cet article : dès que je recevrai son commentaire, il sera intégré à travers une mise à jour.
Adrien Jolly, secrétaire de la section PS d’Écos-Étrepagny-Gasny, et chargé de la communication numérique de la fédération du PS de l’Eure, a également été contacté par téléphone. Il ne souhaite pas s’exprimer personnellement sur le sujet.
La fédération PS de l’Eure, dirigée par Marc-Antoine Jamet (maire de Val-de-Reuil), a été informée de la situation par l’intermédiaire d’Adrien Jolly. Elle dispose donc, depuis vendredi, de toutes les pièces à ma disposition. Elle ne m’a pas répondu2.
Pour l’instant, le seul socialiste eurois à s’être prononcé publiquement sur cette affaire d’intimidation et de censure est Jérôme Pasco, adjoint à Conches-en-Ouche. Sur son compte Twitter, ici, ici et ici, il a réfuté mon attente d’une réaction de la fédération du PS de l’Eure :
La situation est complexe et je pense que certains aspects de la vie municipale ne devraient jamais sortir.
[…]
Une procédure interne, un conflit, un différend peuvent rester off.
[…]
Je ne vois pas en quoi la Fédé devrait s’en mêler ? La vie municipale de Vernon appartient à Vernon et ses acteurs.
Franck Gilard (UMP) : « Une constante au Parti Socialiste »
L’ancien maire des Andelys, et actuel député de la cinquième circonscription, évite de se prononcer quant à l’atteinte à la liberté d’expression. Il se place sur le terrain de la souffrance des agents municipaux, dans un discours destiné tant à la mairie de Vernon qu’à celle des Andelys, qu’il veut reprendre en 2014 à la socialiste Martine Seguela Laure Dael :
Avant de vouloir protéger ses fonctionnaires, il faudrait peut-être ne pas les maltraiter. J’ai cru comprendre qu’il y avait un profond malaise : c’est une constante au Parti Socialiste, qui concerne aussi bien la mairie de Vernon que la mairie des Andelys, où le personnel est en souffrance.
Il en profite également pour donner quelques leçons de politique locale à ses opposants socialistes :
Je crois qu’on a tout à fait intérêt, quand on est élu local, à mettre de côté son côté militant et politicien dogmatique, en essayant de se souvenir qu’on est élu de tous les habitants de la collectivité.
Gérard Volpatti (UMP) : « Une atteinte à la liberté d’expression »
Le maire de Saint-Marcel et président de la CAPE s’est montré très étonné de la réaction du maire de Vernon :
Les noms des fonctionnaires [NdA : chefs de services] de la ville de Vernon sont connus. Si, depuis un an et demi, vous fonctionnez de cette manière-là sans problème, on peut être surpris de ce courrier, qui est une atteinte à la liberté d’expression.
Jean-Luc Lecomte (Parti Communiste) : « Le maire règle des comptes »
L’adjoint à l’urbanisme de Vernon, associé aux socialistes au sein de la majorité municipale, tient à préciser qu’il lui semble « préférable » de ne pas citer les fonctionnaires municipaux3 :
Souvent, les fonctionnaires municipaux ne souhaitent pas être cités. Le maire, en cas d’attaque, doit défendre ses fonctionnaires. C’est le rôle de l’administration responsable des fonctionnaires, qui sont protégés contre toute attaque dans l’exercice de leurs fonctions.
Cette précision faite, il approuve ma décision de ne pas coûter de l’argent aux Vernonnais, en pliant devant cette intimidation. Et condamne la manière dont le maire de Vernon a fait pression :
La protection du nom des fonctionnaires municipaux ne justifie en rien ces courriers qui sont une atteinte à la liberté de la presse. Je pense qu’on vous reproche des prises de position par rapport au comportement des élus, et non du personnel. Les élus feraient mieux de se défendre sur le fond plutôt que de vous attaquer sur ces questions-là.
[…]
Ce courrier n’est pas acceptable : si par maladresse, une fois ou deux, vous avez pu faire une erreur, ce n’est pas la peine de vous menacer. Je ne comprends pas de tels rapports avec la presse.
Par ailleurs, Jean-Luc Lecomte a réitéré publiquement sa condamnation de l’attitude des socialistes, et m’a apporté le soutien de la fédération de l’Eure du Parti Communiste, lors des vœux qui ont suivi son congrès départemental.
Jean-Claude Mary (Vernon Défis) : « Une faute politique et une faute morale »
Encore adjoint écologiste à la mairie de Vernon4, il condamne totalement cette tentative d’intimidation :
Je suis pour la liberté d’expression la plus grande. […] L’intérêt d’internet est la possibilité de développer de nouvelles formes de presse, je pense qu’il faut les favoriser car ce sont des garde-fous. Une mairie doit aider les initiatives des citoyens, et ne pas chercher à les contrecarrer.
Jean-Claude Mary précise sa pensée, et indique tout le mal qu’il pense de ses alliés socialistes :
On a affaire avec le maire, Jean-Luc Piednoir, et la directrice générale des services, à des dirigeants très procéduriers, qui utilisent les arguties juridiques pour se protéger de tout ce qui leur fait peur : la presse, les citoyens, les partis politiques et l’opposition. À mon avis, c’est une attitude très bête politiquement. C’est une faute politique, et même une faute morale, de ne pas laisser les gens s’exprimer.
Jean-Luc Miraux (Vernon Réussite) : « Volonté de bâillonner »
L’ancien maire UMP de Vernon, aujourd’hui candidat indépendant et opposant au sein du conseil municipal, estime que mes éventuelles erreurs n’auraient pas dû entraîner de telles menaces :
Il y a là une espèce d’atteinte à la liberté de la presse. Les élus n’apprécient pas toujours les articles de presse, mais c’est le jeu démocratique d’avoir une presse libre. Surtout que les propos que vous avez tenus ne portaient pas atteinte aux personnes elles-mêmes [NdA : aux fonctionnaires municipaux].
Jean-Luc Miraux élargit également la problématique, en rappelant, de manière plus générale, certaines pratiques du groupe socialiste maire :
Dans tout cela, je crois qu’il y a la volonté de bâillonner, de museler les gens. Il y a un refus du maire de communiquer un ensemble de dossiers, d’informations à l’opposition, et même à ses propres collègues. […] Au moins deux groupes de la majorité sont tenus totalement à l’écart. […] On a lu des prises de positions du syndicat de la Ville, qui n’a jamais été reçu par le maire. […] Si on compte le nombre de chefs de service qui ont valsé, on va mettre un petit moment. […] Ça me rappelle des pays et des régimes hélas très tristes.
Bernard Touchagues (L’Union pour Vernon) : « Silence radio »
Élu FN depuis 1995, le conseiller municipal, et opposant à l’actuelle majorité, est aujourd’hui candidat indépendant. Comme Jean-Luc Miraux, il emploie le terme de « bâillon » :
Je suis étonné du temps qu’il a passé à faire rédiger ces lettres pour vous interdire de publier ces noms, pourtant publiés sur le site de la Ville.
Surtout, Bernard Touchagues estime que ces menaces ne visent pas que moi :
Plus que vous, ce sont les fonctionnaires qui sont visés. On veut qu’ils n’adressent plus la parole à qui que ce soit, qu’ils ne parlent plus sans autorisation des élus. J’ai l’impression qu’il faut mettre l’étouffoir sur tous ceux qui pourraient se prononcer en connaissance de cause sur ce qu’il se passe à la mairie. Le message qui vous est envoyé l’est tout autant aux fonctionnaires de la ville : c’est silence radio.
Sébastien Lecornu (UMP – Générations Vernon) : « C’est pathétique et grotesque »
Le secrétaire départemental adjoint de l’UMP, président de Générations Vernon, est un candidat déclaré non déclaré aux élections municipales de 2014. Il condamne durement les courriers du maire de Vernon :
Je suis surpris sans l’être de cette lettre. Surpris parce que le maire de Vernon a visiblement des difficultés avec le droit. Il y a quelque chose dans ce pays qui s’appelle la liberté d’expression. Un individu, qu’il soit journaliste ou non, a le droit de relater les faits comme bon lui semble, tant qu’il respecte les principes du respect de la vie privée ou le caractère anonyme ou sensible de certaines informations.
Il reprend également un des thèmes sur lesquels Générations Vernon communique depuis plusieurs semaines maintenant :
Je ne suis pas surpris car on voit bien que le maire est aux abois. Il ne maîtrise plus sa communication, il ne maîtrise plus ses propres agents, et donc, il cherche à faire pression sur des journalistes indépendants pour maîtriser sa communication. C’est pathétique et grotesque.
Erik Ackermann (Front National) : « Un acte désespéré de censure et d’intimidation »
Le candidat officiel du FN vernonnais aux municipales de 2014 a apporté publiquement son soutien à ce journal, en commentaire du précédent billet :
Ce genre d’action liberticide à votre encontre n’a d’autre objectif que de vous intimider.
Des propos complétés par un billet de soutien sur le blog du FN vernonnais, où le candidat affirme son attachement « à la liberté d’expression en général, et à son exercice partagé sur internet en particulier ». Comme d’autres, il élargit son commentaire au-delà de la tentative de censure :
L’équipe de Vernon Bleu Marine observe avec consternation et révolte l’attitude du Maire de Vernon et de son équipe municipale dans sa rupture successivement consommée avec les Vernonnais d’abord, le personnel des services municipaux ensuite, sa propre majorité au conseil récemment, et enfin aujourd’hui les observateurs de la presse bénévole.