C’est une information qui a déjà fait couler beaucoup d’encre dans la ville. En avril 2012, la mairie de Vernon commandait une enquête d’opinion à SCP Communication, décrite comme “une officine” par l’allié Jean-Luc Lecomte (PC) en décembre dernier. Le tout pour 14 900 euros, et sans en informer le conseil municipal ou les alliés politiques des socialistes au sein de la majorité.
Je suis en mesure de révéler que cette étude portait bien en partie, et de manière très précise, sur l’image personnelle de Philippe Nguyen Thanh (PS), le maire et l’homme, chez les Vernonnais. De quoi obtenir des informations précieuses en vue des élections municipales de 2014, aux frais du contribuable.
C’est seulement en mars 2013 que la mairie de Vernon a informé le conseil municipal de l’existence de ce marché public, comme la loi l’y obligeait. Il aura fallu les questions insistantes de Jean-Luc Miraux (liste Vernon Tous Ensemble), et les remarques de son propre allié Jean-Luc Lecomte, pour que Philippe Nguyen Thanh en informe le conseil municipal1.
Le sondage est intitulé “Étude qualitative image de la ville” dans les documents officiels. Trente habitants ont ainsi été rencontrés en face-à-face par SCP Communication2. Plus de cent vingt questions ouvertes leur ont été posées.
La très grande majorité de celles-ci concerne effectivement l’image de la ville de Vernon. On retrouve des questions similaires à celles qui ont récemment été commandées par la CAPE à l’IFOP. Elles couvrent un panel assez large, sous la forme d’un questionnaire sociologique, avec de nombreuses relances pour obtenir les réponses les plus précises et informatives possibles.
Ces interrogations permettaient de connaître les envies urbanistiques des habitants ainsi que leur sentiment de bien-être à Vernon, ou la manière dont ils s’informent sur leur ville. Des propositions plutôt pertinentes pour une collectivité territoriale.
Cependant, une section du questionnaire porte à s’interroger : elle s’intitule “L’image du maire et de l’équipe municipale”. Elle porte sur 15 % du volume total de questions, et commence par une demande légitime : “Qui est le maire de Vernon ?”
Une petite dizaine de questions suivent. Des questions beaucoup plus étonnantes pour un sondage payé par de l’argent public :
- Certaines portent sur ce que pensent les habitants de leur maire, et de l’équipe municipale.
- Il est demandé de décrire la personnalité du maire, ses qualités, ses défauts.
- Mais aussi d’expliquer, selon les sondés, les raisons de son élection, et de donner leur avis sur les tendances politiques du premier édile.
- Le questionnaire leur demande de décrire les circonstances de leur rencontre éventuelle avec Philippe Nguyen Thanh, et d’y donner une appréciation détaillée.
- Il était également demandé de dire quels autres hommes politiques vernonnais les sondés connaissaient.
Chacune de ces questions comporte un intérêt évident dans le cadre d’une campagne électorale, où toutes les attitudes peuvent faire gagner ou perdre des voix lorsque le premier élu de la ville rencontre des habitants3. Par contre, on aurait du mal à comprendre leur objectif pour diriger une ville au mieux.
Lors du dernier conseil municipal, le 6 mars, un nouvel échange musclé a opposé Jean-Luc Miraux et Philippe Nguyen Thanh à ce propos, ce dernier affirmant alors de son image “je m’en moque”, mais aussi “ne croyez pas qu’il s’agit uniquement d’avoir une idée sur mon image” :
Vous êtes vous payé une étude d’image personnelle ou vraiment une étude d’image pour la ville ? Demande Miraux
— Le Démocrate (@LDmocrate) 6 mars 2013
“Non c’est bien une étude d’image de Vernon pour avoir le ressenti de notre politique. ” répond le maire de vernon
— Le Démocrate (@LDmocrate) 6 mars 2013
Chacun peut désormais constater que si le maire de Vernon n’a pas menti devant les élus, il n’a pas non plus été de la plus parfaite transparence. Son image personnelle était bien une partie intégrante, et de manière assez poussée, de cette enquête d’opinion.
Jean-Luc Piednoir, premier adjoint de la mairie de Vernon, chargé de la communication, m’a affirmé que la ville n’a fait que “fournir un cahier des charges”, et a renvoyé la responsabilité de l’intitulé des questions à l’agence SCP Communication.
Stéphane Wahnich, directeur général de SCP Communication, ne souhaite pas s’exprimer sur le sujet :
Une étude appartient à celui qui l’a commandée une fois qu’elle a été payée. En tant que prestataire, je n’ai plus rien à dire sur cette étude.
J’ai également demandé au maire de Vernon s’il considérait comme normale l’inclusion de ces questions dans l’enquête. Sa réponse : “oui”. Par ailleurs, il m’a informé du fait que cette étude, “à priori”, ne serait pas rendue publique.
Mise à jour (9 avril)
Aujourd’hui, le compte-rendu de l’agence SCP Communication, daté de juillet 2012, a été envoyé par porteur à l’ensemble des élus du conseil municipal de Vernon. Beaucoup de choses intéressantes y sont écrites, un article sera publié demain à ce propos.
Y figure bien une section de huit pages consacrée à l’image de Philippe Nguyen Thanh et de la majorité socialiste. Les réponses aux questions sur ses défauts et ses qualités n’y figurent pas.
On apprendra dans cette section que “la perception du maire est plutôt compliquée”. Mais aussi que chez les habitants interrogés, ce serait “l’idéologie qui prévaut” dans la perception de son image. Jean-Luc Miraux “est également relativement présent dans les discours” d’après l’agence SCP.
Analyse en profondeur et version intégrale de l’étude de SCP, à lire ici : Vernon, analyse de l’étude SCP sur l’image de la ville chez les habitants