Les PAVE sont des points d’apport volontaire enterrés, c’est-à-dire des bennes à ordures qui sont installées dans le sous-sol, et que Vernon possède dans une dizaine d’endroits de la ville. Ils sont apparus progressivement durant ces dix dernières années, et devaient permettre un meilleur tri sélectif comme une amélioration de la qualité de vie des habitants. Mais à Vernon, loin d’être le progrès vanté dans de nombreuses villes de France, les PAVE s’apparentent plutôt à une régression pour les habitants.
Parfois, ils sont cassés. Parfois, ils n’évacuent pas proprement les liquides. Le plus souvent, ils se contentent d’être désespérément remplis à ras bord. Alors, les sacs poubelles, bouteilles et cartons s’y entassent. L’été venant, à la vue s’ajoutent l’odorat et les préoccupations de salubrité publique. Cette situation, inacceptable aux yeux de nombreux Vernonnais, dure depuis des années.
Qui, ou quel organisme, a la capacité de résoudre le problème ? Est-ce la communauté d’agglomération, qui possède la compétence en matière de ramassage des ordures ménagères ? Est-ce la mairie de Vernon, qui pourrait prendre certains travaux à sa charge ? Enfin, pourquoi la situation est au point mort, malgré son importance ?
Sommaire :
- Vernon : sa collégiale, son musée, ses ordures
- Des ramassages en nombre insuffisant, ou des PAVE trop peu nombreux ?
- Bras de fer entre la CAPE et la mairie de Vernon : deux visions politiques, pas de consensus
- Dans les autres territoires de l’Eure, qui paye les PAVE ?
- Quand l’intercommunalité empoisonne la vie quotidienne : une situation emblématique
- Qu’en pense l’opposition vernonnaise ?
- La place de l’Ange sera propre cet été, promet la mairie
Vernon : sa collégiale, son musée, ses ordures
C’est un des endroits les plus prisés du centre-ville de Vernon, en particuier par les touristes. Un endroit dont la vocation même est de recevoir des visiteurs. Pourtant, c’est à cet endroit peut-être que la situation est la plus désespérante pour les Vernonnais. La place de l’Ange, au croisement de la rue Potard et du musée Alphonse Georges Poulain, est le lieu d’une accumulation systématique de déchets.
Les raisons en sont diverses, et forment un panel assez représentatif des problèmes liés aux PAVE vernonnais :
- Pour les déchets ménagers, on ne pouvait encore récemment pas mettre de grands sacs poubelles, un problème résolu en décembre par les services techniques de Vernon. Mais la question demeure pour les cartons, qui sont souvent trop volumineux pour rentrer dans le PAVE. Ces cartons et palettes, amenés en particulier par les commerçants, sont alors laissés dehors.
- Le mécanisme de levage du container, pour le ramassage, fut cassé plusieurs semaines cet été. Cela arrive notamment lorsque les eaux souterraines s’infiltrent dans le PAVE. On dit alors que le cuvelage est défectueux, et c’est un problème qui semble toucher nombre de PAVE à Vernon. La mairie elle-même le reconnaissait en 2008, lorsqu’elle a changé les matériels des points d’apport du verre situés places De Gaulle, Barette et d’Evreux.
- La raison principale reste malgré tout le remplissage excessif de ces PAVE, car si le nombre de ces points d’apport est le même depuis dix ans, la population vernonnaise, elle, a augmenté depuis1. Cette situation peut être vue de deux manières : soit le ramassage des ordures est désormais insuffisant, et une collecte supplémentaire est nécessaire. Soit ce sont les PAVE qui sont en nombre insuffisant, et il faut alors en installer de nouveaux.
Par ailleurs, lorsque des tas d’ordures se forment, il arrive que les services techniques de Vernon agissent eux-même. De même, les éboueurs ramassent les déchets qui s’accumulent autour du PAVE lors de leurs collectes. Mais cela reste gravement insuffisant… et illégal, car les employés des services techniques vernonnais n’ont pas les tenues adéquates, tandis que ceux qui collectent les déchets ne sont pas censés le faire, pour des raisons de sécurité vis-à-vis des camions bennes.
Des ramassages en nombre insuffisant, ou des PAVE trop peu nombreux ?
Actuellement, dans Vernon, les points d’apport enterrés sont déchargés deux fois par semaine pour le verre, une fois par semaine pour les papiers et cartons, et de une à deux fois par semaine pour les déchets ménagers2. Ce ramassage est assuré par l’entreprise Veolia propreté, entreprise qui s’est vu confier le contrat de collecte en 2010 par la CAPE.
Ce cycle de ramassage est le plus important de la CAPE, qui répercute cette fréquence sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères des Vernonnais. Ceux-ci paient en effet 14,18 % de TEOM, contre 13,26 % pour la zone 23 et 11,52 % pour la zone 3. Pour citer la communauté d’agglomération, “le taux est proportionnel au service rendu”.
La mairie de Vernon considère ce cycle de ramassage comme insuffisant pour les besoins de la ville. Lors des discussions sur le sujet, la CAPE a indiqué que toute augmentation de la fréquence des ramassages à Vernon serait répercutée par une augmentation de la TEOM pour les Vernonnais. Une solution que la mairie de Vernon a pour le moment refusé.
Par contre, la CAPE m’a indiqué qu’augmenter le nombre de points d’apport enterrés ne ferait pas grimper le taux de la TEOM des Vernonnais. C’est une solution que Marc Vancaeyzeele, vice-président chargé de l’environnement et des déchets, recommande pour améliorer la situation. Une autre solution proposée par la CAPE est d’ajouter des bennes externes à côté des PAVE existants.
L’installation de nouveaux PAVE est très coûteuse, autour de 14 000 euros par point d’apport enterré, contre moins de 1500 euros pour une simple benne extérieure. La CAPE possède la compétence de collecte des déchets, et à ce titre fournit les bennes pour les points d’apport aérien. Elle a cependant exclu en 2009 de son champ de compétences les “équipements spécifiques qui s’intègrent aux aménagements urbains des communes tels que conteneurs enterrés, dalles béton, espaces verts, etc…”.
Comme on peut le voir, la CAPE considère les PAVE comme des équipements optionnels, choisis ou non par les communes, et qui doivent donc être payés par celles-ci, au même titre que des haies autour d’une benne extérieure. Elle se contente de fournir la benne qui s’intègre aux points d’apports collectifs (enterrés ou non), et de leur collecte.
Du côté de la mairie de Vernon, l’on admet les problèmes techniques qui ont affecté la collecte des PAVE, notamment cette été. Mais il n’est pas envisagé d’engager la création de nouveaux PAVE sur tous les points de collecte qui posent problème, pour des raisons, entre autres, de coût d’installation et d’entretien, coûts que la majorité municipale ne veut pas faire payer aux Vernonnais. La mairie demande donc avec insistance l’augmentation du nombre de ramassages à Vernon, sans que cela ne soit répercuté sur la TEOM des habitants.
L’ajout de bennes externes en complément des points d’apport enterrés n’est pas non plus envisagé par la mairie. En effet, cet ajout nécessiterait également de faire des travaux de voirie, avec la création d’une dalle en béton adaptée. Surtout, cela réduirait à néant les améliorations apportées par les PAVE dans Vernon, qui sont nombreuses : dégradations réduite, améliorations de la salubrité publique et donc de la qualité de vie des Vernonnais, sans oublier un esthétisme plus favorable au tourisme.
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Bras de fer entre la CAPE et la mairie de Vernon : deux visions politiques, pas de consensus
La CAPE a fait le double choix de faire payer chaque commune en fonction du nombre de ramassages des ordures, et de ne prendre en charge aucun aménagement urbanistique autour du ramassage des ordures. Cela permet, de manière efficace, d’éviter que les habitants de chaque commune ne payent pour les autres communes de la CAPE4.
La communauté d’agglomération agit ici comme une structure de mutualisation des coûts pour les communes, et non comme une structure de partage de ces coûts : chacun paye pour soi, et chaque service ne reçoit pour son fonctionnement que ce qu’il rapporte par les taxes qui le concerne ou les paiement des usages de ce service5.
Marc Vancaeyzeele et Jacques Bertin, à la CAPE, me répèteront à de nombreuses reprises qu’avant de demander des services supplémentaires, la mairie de Vernon devrait s’assurer du bon fonctionnement des ses PAVE, rappelant notamment les problèmes de l’été 2011 place de l’Ange. Ils expliqueront également leur conception politique du rôle d’une communauté d’agglomération :
Nous sommes les premiers embêtés des courriers qu’on reçoit des Vernonnais, mais notre pouvoir s’arrête là [NdA : car la CAPE n’est pas responsable des PAVE.]. Pour l’augmentation de la TEOM en cas de collectes supplémentaires, on paye Veolia en fonction du service rendu. Si on augmente les services, il faut aller chercher des recettes. Les autres communes de la CAPE ne voient pas pourquoi elles paieraient plus cher. On a un devoir d’équité vis-à-vis de ces autres communes. La différence est déjà nettement à l’avantage de Vernon pour les services reçus en ce qui concerne la TEOM, on pense qu’il ne faut pas en rajouter.
À Vernon, la mairie considère que la communauté d’agglomération doit avoir un rôle de partage des coûts, et pas seulement de mutualisation. La CAPE devrait donc faire supporter à tous un ramassage supplémentaire éventuel pour les PAVE de la ville, en le subventionnant, donc en ne touchant pas au taux de la TEOM6. Un ramassage considéré comme seule solution acceptable, compte tenu du fait que la CAPE ne prend pas en charge l’installation des PAVE.
La demande de la communauté d’agglomération d’augmenter le nombre de PAVE, aux frais de la ville, est inacceptable pour les élus vernonnais. Ils estiment que la CAPE, qui possède la compétence ordures ménagères et les revenus de la taxe du même nom, se défausse de ses responsabilités en faisant payer aux communes des équipements lourds comme les points d’apport enterrés (et leur entretien).
C’est pourquoi le maire de Vernon, nouvellement élu, avait demandé en 2008 que la CAPE inclue les coûts d’installation et d’entretien des PAVE dans ses compétences, en vue notamment des nombreux points d’apport enterrés devant être installés aux Boutardes. En effet, sous Jean-Luc Miraux, tous les PAVE installés l’avaient été aux frais de la commune.
Depuis cette date, les élus de Vernon réclament régulièrement, en conseil communautaire, l’intégration des PAVE dans les compétences de la CAPE. En attendant, ils se refusent à engager des travaux pour ajouter des points d’apports volontaires enterrés là où ce serait nécessaire7.
Philippe Nguyen Thanh, le maire de Vernon, s’est expliqué sur la conception politique qu’il a de l’intercommunalité et du rôle de la CAPE8 :
Si vous voulez des prestations supplémentaires [NdA : ramassages supplémentaires], on vous augmentera le taux de la TEOM, dit Gérard Volpatti. Il me semble que ce n’est pas une réaction dans un esprit communautaire […] Il est vrai qu’il y a des charges supplémentaires pour les ordures à Vernon, mais cela ne devrait pas être pénalisant pour les Vernonnais. […] Si on considère qu’on est une communauté d’agglomération, il est normal que la CAPE ait plus d’obligations pour Vernon concernant les choses urbaines. Le principe devrait être celui d’une mutualisation tant des moyens que des nécessités, je ne cherche pas à piller les petites communes9.
Dans les autres territoires de l’Eure, qui paye les PAVE ?
Les structures intercommunales qui possèdent la compétence de collecte des déchets appliquent une politique assez variée au sujet de ces points d’apport enterrés, dans l’Eure comme ailleurs en France. La politique appliquée semble dépendre de la possession ou non par la communauté d’agglomération de la compétence en matière de voirie, comme du poids politique de la zone urbaine au sein de la structure.
Petite revue des pratiques autour de Vernon, dans les intercommunalités qui disposent de points d’apport enterrés et sont responsables de la collecte des déchets :
- À Rouen et à Évreux, comme d’ailleurs dans la majorité des villes de plus de 50 000 habitants en France, l’installation et l’entretien des PAVE est assuré à 100 % par la communauté d’agglomération. Ces intercommunalités ont également le plus souvent la responsabilité des travaux de voirie, ce qui n’est pas le cas de la CAPE.
- La CASE va bientôt installer pour la première fois des PAVE, dans le secteur de Maison Rouge, à Louviers, dans le cadre d’une rénovation urbaine subventionnée par l’ANRU. La communauté d’agglomération a décidé de payer l’installation et l’entretien de ces PAVE à 100 % . Ici encore, la compétence des travaux de voirie relève de la CASE et non des communes.
- À la communauté de communes des Portes de l’Île-de-France, la politique appliquée est sensiblement la même qu’à la CAPE. L’installation et l’entretien des PAVE, présents uniquement à Bonnières-sur-Seine, sont à la charge exclusive de la commune. Cette intercommunalité est, pour sa part, compétente uniquement sur “la voirie d’intérêt communautaire”.
Ailleurs en France, et pour les intercommunalités semblables à la CAPE, il ne se dégage pas de réelle tendance. Trois cas de figure existent, que l’on retrouve dans des proportions sensiblement identiques : la communauté d’agglomération subventionne à 100 % l’installation et l’entretien des PAVE, elle subventionne partiellement leur installation, ou elle ne fournit que les bennes, comme la CAPE.
Quand l’intercommunalité empoisonne la vie quotidienne : une situation emblématique
Tous les interlocuteurs rencontrés, à la CAPE comme à Vernon, sont restés sur leurs positions, chacun avec sa propre logique politique. Les élus de Vernon considèrent les suggestions de la CAPE comme un véritable chantage, qui viserait au moins en partie à faire payer, depuis 2008, la majorité de gauche au pouvoir. Un propos qu’on balaie d’un revers de main à la CAPE, en assurant que les propositions seraient les mêmes si la mairie de Vernon était à droite.
Ce bras de fer ne serait pas important si les conséquences n’empoisonnaient pas la vie des Vernonnais, et celle des nombreux touristes qui traversent la ville en été. Il illustre également à la perfection comment une mauvaise coopération entre une communauté de commune et un de ses membres peut provoquer des dysfonctionnements très concrets.
La CAPE et la mairie disent être en contact très régulièrement au sujet des ordures ménagères, et pourtant, la situation avance pas ou peu depuis deux ans. Cela peut amener à se poser des questions concernant des projets bien plus importants menés en coopération entre les deux institutions. Comme la reconversion des friches industrielles, ou la création d’une dynamique touristique positive pour le territoire et ses habitants. Comment être efficaces sur ces dossiers, alors même que la résolution de problèmes dans un service public aussi essentiel que les ordures n’est pas assurée ?
Qu’en pense l’opposition vernonnaise ?
Jean-Luc Miraux (Vernon Réussite), le précédent maire de Vernon, estime que “cette opposition permanente entre la mairie et son agglomération entraîne des retards systématiques” sur de nombreux dossiers. Il ajoutera, concernant les ordures en général et les PAVE en particulier, que la mairie de Vernon devrait prendre en charge les points d’apport enterrés, malgré leur coût élevé :
Quand l’entreprise [NdA : Veolia, par délégation de service public] ou la communauté d’agglomération est défaillante, il faut s’y substituer […] la ville devrait prendre les choses en main, que le maire fasse les dépenses nécessaires. […] Que la mairie et la CAPE aient des différences de vue sur certains projets, c’est compréhensible, mais d’autres ne devraient pas faire polémique.
Bernard Touchagues (Parti de la France) estime pour sa part que ces problèmes découlent d’un “défaut de conception” de la CAPE, défaut qu’il impute exclusivement à Jean-Luc Miraux. En effet, sans soutenir le maire actuel, loin de là, il estime inadmissible que les élus vernonnais présents à la CAPE représentent moins de 10 % du total des délégués, alors même que la ville compte pour presque la moitié de sa population. Et il se montre encore plus sévère au sujet des tas d’ordures qui parsèment la ville :
Chacun cherche une critique à pouvoir opposer aux initiatives de l’autres, ils ne sont absolument pas sur une logique de satisfaction de la population vernonnaise. Le ramassage s’est dégradé dans Vernon à cause de la CAPE, il est devenu beaucoup plus compliqué, et moins efficace qu’auparavant.
Sébastien Lecornu (UMP, Générations Vernon), qui n’est pas élu à Vernon mais se présentera probablement aux élections municipales de 2014, estime que la CAPE a la loi pour elle dans la situation actuelle :
La seule chose que souhaitent les Vernonnais, c’est que la ville soit propre et que le service public de ramassage des ordures ménagères soit efficace. Les PAVE, depuis le début, sont la propriété de la municipalité. En toute logique, c’est donc au propriétaire, conformément à la législation, que revient l’entretien de ses biens. Il appartient donc à la mairie, en concertation avec la CAPE, de trouver des solutions le plus rapidement possible notamment pour que reprenne la collecte des ordures déposées dans les PAVE endommagés.
La place de l’Ange sera propre cet été, promet la mairie
Jean-Luc Lecomte, l’adjoint à l’urbanisme de Vernon, reconnaît que la situation des PAVE de la place de l’Ange et d’autres lieux très fréquentés est “insupportable”. Pour ces endroits qualifiés par l’adjoint de “critiques”, il estime qu’il faudra trouver une solution “même si la mairie doit payer”.
Il m’a également assuré que pour la place de l’Ange, un des lieux les plus touristiques de la ville, les services techniques agiraient rapidement. Pour Jean-Luc Lecomte, la place devra être propre pour l’été prochain, en installant des PAVE supplémentaires. Les quelques places de parking perdues seront une conséquence inévitable de la propreté retrouvée de cet endroit stratégique du centre-ville de Vernon.
Aux services techniques, on envisage éventuellement de réserver les nouveaux PAVE aux commerçants du quartier. Dans tous les cas, une trappe devrait être installée, qui permettrait aux commerçants de déposer les déchets d’emballage les plus volumineux. Les habitants et touristes vernonnais jugeront de l’efficacité de ces changements cet été.